Le Seigneur est proche, le Seigneur vient, nous disent les textes de ce dimanche. C’est tout le sens de ce temps de l’Avent que nous vivons en ce moment. L’avènement du Seigneur est proche ! Et cette perspective doit nous mettre en joie ! « Gaudete » ! Soyons dans la joie !
Souvenons-nous, les dernières semaines de l’année liturgique, fin novembre. Les textes que nous entendions à la messe étaient plutôt inquiétants, avec ces annonces de cataclysmes de fin du monde. Ils avaient pour but de nous mettre en attente de la venue du Christ à la fin des temps. Puis, sans transition, nous avons soudainement basculé dans le temps de l’Avent, et les textes choisis pour nos assemblées nous placent à nouveau dans une attente, celle de Noël, c’est-à-dire encore l’attente de la venue de Jésus, mais cette fois-ci au début des temps, dans sa naissance, son incarnation il y a 2000 ans au coeur de l’humanité. Une attente suit une autre attente : L’attente de la venue du Christ dans le passé et l’attente de sa venue dans l’avenir se télescopent, se conjuguent, pour mieux nous faire prendre conscience qu’en réalité, il vient dans le présent. Car la venue du Christ, elle est aussi, elle est d’abord, dans le présent ! C’est pourquoi nous pouvons nous réjouir ! « Gaudete » ! « Voici le Dieu qui me sauve », comme nous l’avons chanté dans le cantique d’Isaïe ; « jubilez, criez de joie, habitants de Sion, car il est grand au milieu de toi, le Saint d’Israël ».
Toutes ces phrases sont au présent. Présent de permanence. L’attente messianique du peuple de Dieu, depuis les origines jusqu’à aujourd’hui, est permanente. Elle a changé de nature au fil du temps, mais elle demeure. C’est tantôt l’attente d’un homme providentiel qui gouvernera le monde dans la justice et la paix — un messie descendu du ciel — tantôt l’attente d’un « temps messianique » où l’humanité entière, qui s’est égarée dans le péché finira par revenir à Dieu. Autrement dit, tantôt un mouvement descendant de Dieu vers l’humanité, tantôt un mouvement ascendant de l’humanité vers Dieu.
Ces deux mouvements ne sont pas contradictoires. Ils sont tous les deux contenus dans notre espérance de chrétiens : nous espérons à la fois la venue de Dieu parmi nous, la naissance de Jésus au milieu de son peuple, c’est le temps de l’Avent ; et à la fois son retour dans la Gloire. Et nous espérons en même temps, au terme de notre propre chemin, la rencontre personnelle avec Dieu dans son royaume de justice et de paix. Notre attente est donc bien permanente, immanente. C’est là notre foi, c’est là notre joie ! Gaudete !
Oui, notre joie, parce qu’attendre est toujours joyeux si ce que nous attendons est bon. On n’attend pas Noël, on n’attend pas l’avènement du Royaume de Dieu comme on attendrait le train, en s’agaçant davantage à chaque minute supplémentaire de retard, sans pouvoir faire quoi que ce soit pour le faire arriver.
Non, au contraire, on attend, on doit attendre la venue du Christ plutôt comme le fiancé attend sa fiancée toute la semaine avant leur rendez-vous du week-end ; comme la femme enceinte attend pendant neuf mois l’arrivée de son enfant. L’attente n’a de sens que si elle est une préparation, comme le sportif attend sa finale en s’y préparant par un entrainement constant, ou comme le skipper qui pendant quatre ans consacre tout son temps et toute son énergie à se préparer pour être au départ du Vendée Globe.
Attendre nous aide à être prêts. Attendre prépare notre coeur afin de mieux vivre l’événement, et cette attente nous met en joie. L’attente, en fait, c’est la mise en oeuvre joyeuse de l’espérance. Gaudete !
C’est aussi ce que nous dit Saint Paul dans sa lettre aux Philippiens : « soyez toujours dans la joie du Seigneur, je le redis : soyez dans la joie ». « ne soyez inquiets de rien, mais en toute circonstance, priez en rendant grâce.[…] et — voilà l’objet de notre espérance — la paix de Dieu gardera vos coeurs et vos pensées dans le Christ Jésus ».
Soyez dans la joie. Gaudete ! C’est bien gentil tout ça, mais concrètement, comment être dans la joie ? Quand on regarde un peu autour de soi, on pourrait se dire qu’il y a de nombreuses raisons de ne pas se réjouir. Et les médias nous proposent à longueur de journée des nouvelles qui inspirent plus souvent la morosité que l’exultation ! Alors, comme la foule le demandait à Jean-Baptiste dans le désert : « Que devons-nous faire ? »
Les réponses proposées à chacun par Jean-Baptiste pourraient nous sembler décevantes. Elles ne nous demandent rien de bien extraordinaire, et n’appellent pas à des attitudes héroïques : contentez-vous de ce qui vous est donné, ne faites de tort à personne, partagez avec ceux qui ont moins que vous. Ces exigences ne paraissent pas insurmontables ! C’est pourtant juste ce qui nous est demandé. Et c’est à la portée de tous. « Que devons-nous faire ? » Comment attendre dans la joie la venue du Seigneur aujourd’hui ? On peut remarquer que les réponses de Jean-Baptiste ne renvoient pas à une pratique religieuse, à des sacrifices offerts à Dieu, à des prières et des rites bien codifiés. Elles nous tournent très naturellement vers les autres, nous sortent de nous-mêmes : elles nous font entrer dans l’échange, dans une relation avec nos frères et soeurs en humanité : donner avec joie et simplicité, accueillir ce qui nous est donné, dans l’humilité. C’est-à-dire tout simplement, pratiquer la charité, qui est l’amour, et qui procure la joie ! Gaudete ! Voilà comment nous pouvons attendre dans la joie l’avènement du Seigneur dans nos vies. Nous pouvons tous le faire, dès aujourd’hui, et chaque jour.
Ce temps de l’Avent est là pour nous le rappeler, mais la pratique de la charité n’est évidemment pas limitée au mois de décembre ! Nous aurions tort de nous en priver tout au long de l’année, afin de faire advenir la venue du Seigneur dans nos vies de chaque jour. Dans la foi, l’espérance doit être notre moteur, l’amour notre constante préoccupation, et la joie notre récompense ! Gaudete !
Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent
Boussay et Clisson
15 décembre 2024