Un
aveugle,
un autre aveugle, un trou.
Un
disciple,
un maitre,
Une
paille
dans un œil, une poutre dans un autre œil.
Un
arbre,
des fruits, des figues, des épines, des ronces, des vendanges, du
raisin,
Un
trésor,
un cœur, une bouche…
Ça
ressemble
à un « inventaire à la Prévert », et on a envie de
dire : il manque un raton-laveur !
Jésus
rassemble 3 petites paraboles tirées
de scènes de la vie courante de son temps, et qui ressemblent à des
mises en
garde pour les relations avec les autres. Il s’adresse à ses disciples,
donc
aussi à nous ; et ces expressions sont passées dans le langage
courant : la paille et la poutre…
Est-ce
que ces images sont de simples
leçons de sagesse et de bon sens, tirées d’un magazine de
psychologie ou
de développement personnel ? Je crois que c’est bien autre chose.
En
méditant sur cette page d’Evangile,
je voudrais vous partager comment Jésus part de nos situations
concrètes, de
nos relations de tous les jours avec les autres, pour nous emmener vers
l’Evangile en action. Essayons de retirer la poutre de notre œil pour
tenter de
discerner la lumière de Jésus qui pourra éclairer notre vie et notre
cœur…
Et
nous verrons ensuite comment cet Evangile
s’actualise avec deux témoins de notre temps : le Pape François
d’une part,
et une détenue de la Maison d’Arrêt de Nantes. C’est l’Evangile du
XXIème siècle.
1)
D’abord,
les 2 petites
paraboles sur le regard
L’avantage
des paraboles, c’est qu’elles
parlent d’elle-même, pas besoin de longs commentaires.
Je
crois que chacun de nous peut recevoir
ces images comme une leçon de modestie ; nous savons que nous
devons en
permanence convertir notre regard sur nous-même (difficile d’être
lucide !) et aussi essayer de convertir notre regard sur les autres
(encore
plus difficile pour chacun de nous d’être tolérant, dans l’acceptation
de la
différence : pourquoi tout le monde n’est pas « normal »,
c’est-à-dire : « comme moi » ?! …). Et cependant,
c’est la
base de la fraternité et de la paix.
Jésus
est celui qui est venu
« ouvrir les yeux des aveugles ». Nous sommes des aveugles de
naissance, et nous pouvons nous laisser guérir de nos aveuglements par
Jésus, en
nous mettant à son école – en devenant ses disciples. Alors seulement,
nous
pourrons porter aux autres la lumière de l’Evangile. 1ère
leçon de
la parabole : nous laisser guérir, et nous laisser enseigner par Jésus.
2)
3ème
parabole :
l’arbre et les fruits
Le
vrai disciple, c’est celui qui adopte
le regard de Jésus : alors il porte de bons fruits.
De
quels fruits s’agit-il ? Les
fruits désignent notre comportement et nos paroles ; le passage
d’Evangile que
nous avons entendu fait suite à tout le développement de Jésus sur les
béatitudes et sur l’amour mutuel que nous lisons depuis deux
semaines dans
le Chapitre 6 de l’Evangile de St Luc : « aimez vos
ennemis » (…) ne
jugez pas » (…) « ne condamnez pas », « soyez
miséricordieux comme votre Père est miséricordieux ». Ce sont
les
paroles les plus subversives de toute la Littérature !
Le
Père attend de nous des fruits de
justice et de miséricorde, des fruits qui sont, soit des actes, soit des
paroles : « ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du
cœur » nous dit St Luc. Quand il y a cohérence entre nos
paroles et
nos actes, c’est l’unification de notre vie.
En
résumé, ces 3 paraboles (sur la
guérison du regard, et sur les bons fruits de l’arbre bon) nous font
découvrir tout
le mystère de la vie chrétienne : quand le disciple est bien formé
par le
maitre, quand il est guéri de son aveuglement (c’est tout l’évangile) il
est
transformé
dans tout son être : son
regard, son comportement, ses paroles, et son cœur.
3)
Et
j’en viens donc à
l’actualité de cet évangile dont la conclusion nous parle du cœur :
« L’homme
bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon (…) ce qui dit la
bouche,
c’est ce qui déborde du cœur »
Le
Pape François a récemment publié une
Encyclique sur le Cœur sacré de Jésus ; François nous dit :
Dans
ce monde (…) il est
nécessaire de parler à nouveau du cœur (…) À la fin de la vie, c’est
tout ce
qui comptera. Nous ne devenons pleinement nous-mêmes que si nous
aimons. Le
centre le plus intime de notre personne, créé pour l’amour, ne réalise
le
projet de Dieu que lorsqu’il aime.
Pour
finir, je voudrais vous partager
une autre parole, c’est la Prière d’une femme détenue, que j’ai
rencontrée à la
Maison d’Arrêt de Nantes
Peut-être qu’à chaque fois que mon cœur vibre d’amour,
Une fleur reste un peu plus longtemps sans se faner,
Un enfant sèche ses larmes au loin dans le vent,
La vie est un peu moins dure.
Peut-être que quand quelqu’un a une pensée d’amour envers moi,
Ma vie devient plus belle, et la joie monte en moi.
Je crois que lorsque nous pensons les uns aux autres avec amour,
Nous avons tous un peu moins froid,
Tout au moins ai-je besoin de le croire, je le crois.
Toi seul, Seigneur, sais ce qu’il y a dans l’homme,
Toi seul peut changer notre cœur habile à condamner,
Et nous aider à discerner ce qui est juste.
Exauce nos prières pour ceux qui sont en prison,
Qu’ils ne sombrent pas dans le désespoir,
Mais trouvent la force de se renouveler,
Qu’ils rencontrent les personnes qui les comprennent,
Et quand ils seront libérés, des frères qui les accueillent avec
amour.
En
conclusion, je crois que l’Evangile de ce dimanche, et ces paroles
d’aujourd’hui, nous ouvrent la question du regard que nous portons sur
les
autres, et de la valeur de nos actes, de nos engagements. Lors d’une
soirée de
présentation de l’Action Catholique, quelqu’un a dit récemment : ce
qui
est important, c’est de faire les choses par amour. Quels sont les
fruits
que je tire du Trésor de mon cœur ?
A
quelques jours de l’entrée en Carême,
nous avons un programme de conversion : conversion de notre regard
sur
nous même, conversion de notre regard sur les autres, conversion de nos
paroles,
conversion de nos jugements, conversion de notre comportement et de nos
priorités.
Conversion
de notre cœur, conversion de
notre vie.
Amen
Emmanuel
MÉRIAUX, diacre permanent
2
mars 2025
Paroisse
St Louis de Montfort