Emmanuel, dimanche dernier, nous incitait à nous « mettre en marche » « en avant » personnellement et avec les autres...
Et voilà qu'aujourd'hui les paroles de Jésus nous semblent excessives et nous poussent à faire des choses impossibles : tendre la joue à celui qui frappe, se laisser dépouiller de ses vêtements. Jésus fait très fort et place la barre très haute, impossible à franchir pour moi. Le pardon aux ennemis ok mais pas sans la justice... n'est-ce pas le bon sens même. Et pourtant qu'a fait Jésus ? Voulez-vous que nous essayons de comprendre ?
On peut dire déjà que les textes de ce dimanche nous montrent un chemin de conversion. On vit dans un monde où beaucoup ne pensent qu'à se faire justice. . L’Évangile suggère que face à ces violences et à la cruauté du monde, seule l'infinie douceur doit prévaloir.
Aujourd'hui nous recevons des appels à briser ce cycle de violence, à refuser la vengeance qui s'exprime par: le mépris, l'ironie, la calomnie, l'indifférence et ça commence par le regard qu'on porte sur celles et ceux qui nous entourent. Si je veux un monde plus juste et plus fraternel, c'est sans doute par moi qu'il faut commencer ! Tout un programme !
Alors que les discours de haine fleurissent, que les talibans appliquent la Charia, que la guerre est aux portes de l'Europe, que les conflits et la violence se déchaîne au Proche-Orient, en Palestine, à Gaza et Bethléem...alors qu'un accord de cessez le feu vient d'être acté entre Israéliens et Palestiniens ! Ces paroles ne sont-elles pas du coup trop idéalistes ? Et pourtant ce message, ce programme ne serait-ce pas la voie qui ouvre à notre bonheur et celui de l'humanité ; véritable boussole pour les chrétiens. Oui cet évangile nous ouvre le chemin à suivre.
Jésus veut nous dire que l'homme ne se réduit pas à son histoire, ses savoirs, son savoir faire, il veut nous éveiller à une REALITE (DIEU pour nous croyants) au creux de notre propre mystère. Et c'est en ce mystère, lieu intime, qu'est la source de nos dépassements humains dans tout ce qui fait notre vie : ce qu'on donne, nos talents artistiques et autres, notre 'intériorité, la connaissance de soi, nos refus de l 'inacceptable....
En fait, loin de vouloir nous sermonner, Jésus veut nous réveiller et nous ouvrir à nos propres responsabilités, Il veut nous dire qu'il nous faut écouter en nous « la source qui nous parle d'aimer ». Et que si nous étions conscients de ce trésor en nous, nous ferions des choses extraordinaires ! Etty Hillesum trouvait, dans les Évangiles, une source vivifiante au cœur d'elle-même, au plus intime « écoutant au-dedans.», elle percevait la présence de « Dieu » en elle qui était à l'écoute.
On peut tous en faire l'expérience, au cours de notre existence, si on s'efforce de vivre vrai dans notre vie de tous les jours.
Jésus ne nous demande pas de subir passivement les brimades, les agressions, ni de nous enfermer dans le cercle vicieux de la rancune et de la violence, mais d'être inventifs pour trouver des chemins de paix, de privilégier les gestes de réconciliation. Je pense que c'est valable aussi bien au niveau des états que dans nos relations personnelles, en famille, au travail, sur le quartier, en paroisse, en Église avec tous ceux que nous rencontrons. Il s'agit d'amour en actes, avec des décisions de notre part et non pas une belle idée, un bon sentiment et des paroles.en l'air..... Pour ça Jésus nous a tracé un chemin, à nous d'inventer le nôtre ! pour partager son regard et ses gestes d'amour sur les hommes et les femmes de toute condition, en souffrance. Sur ces personnes il porte un regard bienveillant, plein de douceur et de bonté, surtout sur celles et ceux qui sont au bord du chemin. Aimer à la manière de Jésus c'est bannir la violence, écarter la haine qui détruit notre humanité, vivre la fraternité, pour compatir, écouter, relever... se situer dans la gratuité de service.
Quand les uns ou les autres nous aurons à soutenir des luttes contre ce qui bêtifie, méprise, humilie les hommes; trouvons l'intelligence et le courage pour combattre résolument mais sans céder à la haine et à la violence.
Et, quand nous affronterons des épreuves de toutes sortes, l'impuissance à changer des situations verrouillées, la maladie et les handicaps qui rongent les énergies, les deuils qui dépouillent, l'approche de la mort qui fait entrer dans la solitude extrême... que notre foi nous murmure au plus intime de nous , que toi, Dieu, tu nous accompagnes encore et toujours sur les chemins de crête, sans que par ailleurs nous sachions jusqu'où ces sentiers vertigineux nous mèneront.
Etty Hillesum disait encore : « Notre unique obligation morale, c'est de défricher en nous-mêmes de vastes clairières de paix et de les étendre de proche en proche jusqu'à ce que cette paix irradie vers les autres. Et plus il y aura de paix dans les êtres, plus il y en aura aussi dans notre monde en ébullition. »
Jésus est convaincu que la présence de son « DIEU » ne se perçoit que là où s'effectue la libération de tout ce qui entrave l'homme physiquement, psychologiquement, socialement, économiquement, politiquement, religieusement. Ce qui passionne son DIEU c'est avant tout ce qui humanise les hommes et le monde.
Ainsi les chrétiens ne peuvent qu'aimer le monde où ils vivent.
Alors, ensemble et au coude à coude, les uns avec les autres, cherchons à le rendre meilleur, plus juste, plus fraternel et plus habitable.
François CORBINEAU, diacre permanent
23 février 2025