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4° dimanche du Temps Ordinaire

        Être prophète, annoncer Dieu, hier comme aujourd’hui, ce n’est pas une tâche facile. Jérémie et Jésus en ont fait l’expérience. Jérémie, malgré son manque d’assurance, est allé sur les places des villages et auprès des puissants pour crier l’infidélité du peuple vis-à-vis de son Dieu. Il en a subi les conséquences, raillé et persécuté, il s’est lamenté, à tel point que le terme « les jérémiades » est passé dans le langage courant. Après coup, les générations suivantes lui ont donné raison ! Difficile donc d’être prophète en son pays, de dénoncer les dérives du milieu ambiant et les certitudes des bien-pensants !
Jésus, lui, en fait l’expérience dans la synagogue de Nazareth. Il vient de lire le passage d’Isaïe, où il est écrit : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce que le Seigneur m’a consacré par l’Onction. Il m’a envoyé proclamer la bonne nouvelle aux pauvres… » S’étant assis, il leur dit « aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture que vous venez d’entendre ». Après un instant d’étonnement admiratif, les questions fusent : « n’est-ce pas le charpentier » ?  Ne connait-on pas son père et sa mère ? Il est rejeté, car il dérange, et Jésus de dire une expression, qui, là aussi est passée dans le langage courant : « Nul n’est prophète en son pays ». Finalement les juifs de Nazareth le poussent hors de la ville pour le précipiter du haut de la falaise, « mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin. » Aujourd’hui, je vous propose de regarder le chemin parcouru par Jérémie et Jésus, chemin de crête, dangereux et spirituel, chemin tourné vers les périphéries. C’est le chemin des disciples du Christ.

        Suivre le chemin des prophètes et du Christ, ce n’est pas de tout repos, mais c’est un chemin spirituel, c’est-à-dire sous la conduite du Saint Esprit, chemin exigeant et source de joie profonde. Regardons d’abord la vocation de Jérémie au chapitre 1 : « Le Seigneur m’adressa la parole et me dit : « avant que tu viennes au jour, je t’ai consacré ; je fais de toi un prophète pour les nations » et le texte biblique poursuit : Et je dis : « Oh ! Seigneur mon Dieu ! Vois donc, je ne suis qu’un enfant ! » Le Seigneur reprit : Ne dis pas, je ne suis qu’un enfant ! Tu iras vers ceux à qui je t’enverrai… Je mets mes paroles dans ta bouche. » Et au chapitre 15, Jérémie s’exclame : « Quand je rencontrais tes paroles Seigneur, je les dévorais ; elles faisaient ma joie, les délices de mon cœur. » Voici un bel exemple de discernement de la volonté de Dieu. Souvent, comme Jérémie, nous sommes tentés de trouver des excuses : Je n’en suis pas capable, un autre peut mieux faire que moi… Mais l’appel de Dieu, quand il est mûri, réfléchi, prié, rend capable et la grâce est là : l’Esprit de Dieu accompagne le prophète et la Parole de Dieu nourrit son cœur.
        Revenons à Jésus dans la synagogue de Nazareth. Il faut bien reconnaître que les versets d’Isaïe que Jésus s’approprie, ne sont pas faciles à avaler pour les juifs de la synagogue : comment l’esprit du Seigneur peut-il reposer sur le charpentier ? Dieu peut-il l’avoir consacré par l’onction ? Au nom de qui peut-il être envoyé annoncer la bonne nouvelle ? Comment l’Ecriture peut-elle s’accomplir en Lui ?  Oui, la parole de Jésus dérange et bouscule. Elle est paradoxale et tranchante, souvent en contradiction avec le monde et le milieu ambiant…  Face à ses compatriotes, Jésus ne ferme pas la bouche, il explique et donne en exemple ce qui est arrivé à Elie et Elisée. Il constate leur refus d’entendre, mais ne renonce pas. En fait, rien ne l’arrête, il va son chemin, chemin qui le conduit sur les routes de Judée et de Samarie et qui se terminera à Jérusalem sur la croix.
        Nous savons bien que le chemin proposé par le Christ est un chemin exigeant, parfois difficile. Mais alors, pourquoi s’aventurer sur ce chemin ?  Par ce que, c’est un chemin d’amour qui fait vivre. Nous venons d’entendre Saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens : « S’il me manque l’amour, je ne suis rien ». Et saint Paul de décliner les diverses facettes de l’amour : prendre patience, rendre service, trouver sa joie dans ce qui est vrai, faire confiance en tout, espérer tout et endurer…. C’est le chemin proposé par Jésus ; il n’y en a pas d’autre : « Aimez-vous les uns, les autres, comme je vous ai aimés ».

        L’échec de Jésus à Nazareth, comme les échecs de Paul dans les synagogues, conduisent Jésus, puis les apôtres à se tourner vers les païens, à aller plus loin, à ne pas s’enfermer. Pas question de laisser la Parole se scléroser entre les mains de ceux qui prétendent détenir la vérité. La Parole est faite pour être annoncée aux pauvres, à ceux qui ont le cœur ouvert, comme la veuve de Sarepta ou Naaman le Syrien. Elle ne se confine pas, elle est destinée au monde. Elle invite à aller sur des chemins innovants, à aller aux périphéries, à être une Eglise en sortie.
        Quand Jésus parle des étrangers, préférés au peuple d’Israël, « tous devinrent furieux » nous dit l’évangile. Il est évident que l’universalité du salut est loin de faire l’unanimité dans la communauté juive de Nazareth. Aujourd’hui nous connaissons les polémiques concernant l’accueil de l’étranger, des migrants et des réfugiés, parfois en invoquant la défense de la civilisation chrétienne et européenne…. On oublie souvent que beaucoup de migrants du moyen orient et d’Afrique sont chrétiens. Mais, quelle que soit la religion, le devoir d’hospitalité est inscrit dans la Bible et la doctrine sociale de l’Eglise. Le pape François a invité les paroisses à accueillir et héberger des migrants. Dans le diocèse beaucoup y ont répondu, et c’est heureux.
        Quant aux communautés chrétiennes qui rechignent à ouvrir leur porte, à être bousculées par les appels du pape, qui se referment sur leur monde, en pensant posséder la vérité, Jésus ne pourra que leur échapper… et aller son chemin.

    Et nous, sur quel chemin sommes-nous ?


    Yves MICHONNEAU, diacre permanent
    Paroisse St Léger-Ste Bernadette d’Orvault
    3 février 2019



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