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4° dimanche du Temps Ordinaire


        Mais qu’est-ce qu’il a bien pu vouloir dire ? Pourquoi Jésus rappelle-t-il à ses proches ces épisodes de la Bible, de la veuve de Sarepta et de ce général Syrien Naaman ? Pourquoi rappeler ces merveilles que Dieu a accomplies pour des étrangers, et pas pour des juifs ? A-t-il voulu dire que les étrangers valent mieux que les juifs ? N’est-ce pas de la provocation de la part de Jésus ?
        Pour les contemporains de Jésus, Dieu est le Dieu d’Israël, le Dieu des juifs et seulement des juifs. Toute l’Écriture parle du « peuple élu », peuple choisi. Tous les autres sont des païens, et la plupart du temps, des ennemis. Dieu ne peut pas faire du bien aux ennemis du peuple qu’il s’est lui-même choisi ! C’est inconcevable !
        Et puis, ces gens de Nazareth, qui sont ses amis, ses connaissances, il a grandi avec eux ! Ils ne lui demandent pas grand-chose ! Juste de faire un ou deux petits miracles, pour qu’on puisse croire ses paroles.
        Rappelons-nous : dimanche dernier, nous entendions le passage qui précède immédiatement celui que je viens de lire. Jésus, dans la synagogue de Nazareth, dans le village où il a grandi, avait fait la lecture d’un passage du prophète Isaïe :
«  L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, etc.»
Et il avait ajouté : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre ».
        Mettons-nous à la place des gens de Nazareth !  Cet enfant du pays, qui a grandi avec les nôtres, qui a repris l’affaire de son père, le charpentier ; il a toujours vécu parmi nous, il même travaillé pour nous parfois… Et puis un beau jour, il a quitté le métier, pour s’en aller sur les routes, guérir des malades, dit-on, et dire de belles paroles… Et le voilà qui revient ! Alors, s’il a déjà guéri des inconnus, au hasard de son chemin, il va pouvoir faire encore plus pour nous, qui sommes ses proches ! Surtout après ce qu’il vient de lire ! Pourquoi le bien qu’il a fait à des étrangers, ne pourrait-il pas le faire aussi à ceux de sa famille, à ses amis ?
        C’est que ces gens, ces proches de Jésus, voient en lui non pas le Fils de Dieu, mais simplement un homme de Nazareth : leur cousin, leur collègue, leur ami, leur oncle,… un des leurs. Ils ne peuvent pas voir ce qu’il est vraiment. Ils confirment ce que dit St Paul dans notre deuxième lecture, « nous voyons actuellement de manière confuse, comme dans un miroir. »
       
        Beaucoup de nos contemporains, eux aussi, voient en Jésus cet homme de Nazareth. Un homme un peu extraordinaire, certes, mais qui n’est qu’un homme. Ils n’ont pas la claire vision de la réalité de Jésus, claire vision qui est donnée, ou en tout cas approchée, par la foi. Car c’est la foi et elle seule qui peut nous faire dire que Jésus est Fils de Dieu.

        Il peut arriver parfois qu’on entende dire : « c’est difficile pour nous de croire en Jésus. Nous ne le voyons pas ! Pour ceux qui vivaient avec lui c’était plus facile ! » Nous nous rendons bien compte, à la lecture de ce passage de l’évangile de Luc, qu’il n’en est rien. Même ceux qui voient Jésus, en chair et en os, n’ont pas automatiquement la foi. La foi n’est pas la conséquence de ce que l’on voit, elle nécessite l’adhésion. Même les miracles accomplis par Jésus, miracles que lui demandent les gens de Nazareth, ne suffisent pas à donner la foi. On dit même que le plus grand des miracles ne donne pas la foi, et que pour quelqu’un qui a déjà la foi, le miracle n’est pas nécessaire.

        Mais ce n’est pas la foi que souhaitent les gens de Nazareth. Ce qu’ils veulent, c’est juste le miracle ! Ils ne veulent que leur guérison ou ceux de leur proche ; ce qu’ils attendent, c’est un geste spectaculaire à leur profit. On peut même aller jusqu’à dire que ce qu’ils souhaitent, c’est mettre Dieu à leur service : « les miracles qu’il a fait chez nos voisins, qu’il les fasse aussi chez nous ! » Ils revendiquent une priorité sur Jésus, puisqu’il est un des leurs. Mais la foi en Jésus, c’est tout le contraire. C’est mettre Jésus comme priorité. « Jesus, number one in my life ! »
       
        Mais tout ça ne nous dit pas pourquoi Jésus rappelle à ces gens les miracles réalisés pour des païens, l’un par Elie, l’autre par Elisée.
Ces deux personnages sont des prophètes reconnus et incontestés. Aucun de ces gens de Nazareth ne peut penser qu’Elie et Elisée soient des traîtres, pour avoir ainsi accordé à des païens ce qu’ils n’ont pas accordé à des fils d’Israël. Il faut donc chercher le sens de ces deux épisodes bibliques.
A la veuve de Sarepta qu’il sauve de la mort, Elie promet une nourriture inépuisable « au nom du Seigneur Dieu d’Israël ».  Quand Naaman le Syrien est guéri de sa lèpre par Elisée, il professe sa foi : « maintenant je sais qu’il n’y a pas d’autre Dieu sur toute la terre, que celui d’Israël ». Il va même emporter chez lui de la terre d’Israël.
        Ces deux faits ne sont donc pas des trahisons de la part de ces deux prophètes, mais des actes d’évangélisation à destination des païens. Une préfiguration de « l’Eglise en sortie » que préconise notre pape François. Annoncer aux incroyants la Bonne Nouvelle de notre Dieu qui sauve, salut universel pour tous les habitants de la terre. C’est « Happy Week » vu par les prophètes !

        Au lieu de se réjouir de cette universalité du salut, que Jésus leur rappelle, ces gens de Nazareth en sont jaloux. Parce qu’ils ne peuvent pas croire que Jésus soit autre que ce qu’ils en connaissent. Ils le voient avec un regard humain, ils ne saisissent que les contours, que les apparences. Ils n’ont pas les yeux de la foi. « Notre connaissance est partielle » écrira plus tard St Paul dans cette lettre aux habitants de Corinthe. Et il ajoute : « quand viendra l’achèvement, ce qui est partiel sera dépassé ; ce jour-là, nous verrons face à face. Actuellement, ma connaissance est partielle ; ce jour-là, je connaîtrai parfaitement, comme j’ai été connu. »
Ces gens de Nazareth, qui ont ici le mauvais rôle, le rôle des « méchants », en réalité, c’est bien nous ! Notre vision imparfaite des réalités de Dieu, notre connaissance qui n’est que partielle, nous empêche d’avoir une pleine confiance en Jésus. Il nous arrive, à nous aussi, de demander à Dieu de faire pour nous des miracles ; de vouloir le mettre à notre service, et de nous croire un peu propriétaires de Dieu.
       
        Frères et sœurs, membres tous ensemble de cette paroisse Ste Marie du Val de Sèvre, ne soyons pas comme ces gens de Nazareth, jaloux de notre proximité avec Jésus. Au contraire, comme les prophètes Elie et Elysée, sortons de notre église ! Sortons de notre confort ! Sortons pour faire connaître autour de nous, aux « païens » d’aujourd’hui, l’amour de Dieu pour chacun, le salut annoncé par l’Ecriture et incarné en Jésus, le Christ. C’est précisément l’idée de cette folle semaine « Happy Week », qui commence aujourd’hui. Profitons  de toutes ces propositions pour aller à la rencontre de ceux qui viendront, qui ne connaissent pas encore ce Dieu d’amour et de miséricorde. Sortons et annonçons à tous, chacun selon nos moyens, quel est ce Dieu qui nous aime, qui ne veut que notre joie !

Daniel BICHET, diacre permanent
31 janvier 2016
Clisson, St Hilaire de Clisson, Maisdon sur Sèvre.



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