Frères et sœurs,
A la lecture du Livre du prophète Néhémie que nous venons d’entendre, nous n’avons qu’un seul souhait, celui de discerner le titre de saint patron de nos assemblées liturgiques à ce Monsieur Esdras ou « Monsieur secours », car c’est ainsi que l’on traduit son nom de l’hébreu !
Pour l’histoire, Esdras est prêtre, spécialiste de la Loi et scribe. Au retour de l’exil des juifs de Babylone (c’est-à-dire vers 450 avant Jésus-Christ), il rassemble les anciens déportés en créant des assemblées liturgies où il préside la lecture de la Torah. Esdras sera, en effet, de ceux qui vont organiser un service religieux autour de la Parole de Dieu, comportant lectures et prédications. C’était comme une nouvelle présence du Dieu très grand au milieu de son peuple (après l’exil).
A la place d’honneur de la communauté rassemblée, il y a le Livre. Puis le lecteur vient, l’ouvre et tous se lèvent. Dieu parle et c’est une Bonne Nouvelle que la communauté des croyants abrite en son cœur. Mais encore faut-il en saisir toutes les facettes inépuisables. Et c’est là que les commentateurs s’y emploient. Autour d’Esdras, Néhémie et les lévites étaient là pour « prêter main-forte à leurs frères (et sœurs), afin de mettre en pratique la Parole du Seigneur ».
Et l’assemblée était invitée à goûter, dans la joie, cette Parole de Dieu. C’est le Jour du Seigneur. Un jour de fête, frères et sœurs, pas un jour de deuil, un jour consacré au Seigneur notre Dieu où la consigne est de se réjouir (oui, d’être dans la joie), de « manger des viandes savoureuses, de boire des boissons aromatisées et même ... d’envoyer une part à celui qui n’a rien préparé ». C’est « la joie du Seigneur dans les cœurs comme un rempart, comme une forteresse ».
Alors, voyez-vous, ce qui était vrai au temps d’Esdras et Néhémie l’est pour nous aujourd’hui. Pour notre assemblée, comme pour celles réunies aux quatre coins du monde, chacune avec ses spécificités, il n’y a pas d'Eglise sans rassemblement autour de la Parole de Dieu et sans célébrations joyeuses et transcendantes.
En cette semaine où l’église prie pour l’unité des chrétiens, afin que ce réalise la prière de Jésus « Père, que tous soient un, comme nous sommes un, afin que le monde croie » (Jean 17,21) ... Saint Paul vient nous rappeler que le Seigneur a toujours voulu qu’il n’y ait jamais de division, que tous les baptisés, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul et unique corps, le corps du Christ (c’est dans la 2ème lecture de ce dimanche) ... eh bien en cette semaine de prière pour l’unité, nous sommes tous persuadés que ce qui nous unit n’est autre que le Livre, la Parole de Dieu qui fait de nous un peuple de frères, une communauté sacerdotale, une nation sainte !
Tous, nous sommes membres du corps du Christ ; tous, nous sommes appelés à devenir acteurs de notre mission commune de baptisés, d’enfants de Dieu et à réengager le témoignage envers Jésus Christ aujourd’hui. Nous tous chrétiens baptisés avons la vocation d’être le sel de la terre et la lumière du monde, mais aussi de témoigner de la bonne nouvelle annoncée par Jésus, en ouvrant nos cœurs à l’autre dans sa pauvreté, en compatissant aux blessures de l’autre dans sa fragilité, en recherchant sans cesse la vérité, la charité et l’unité et en s’engageant résolument en faveur de la dignité humaine, la justice et la paix.
Frères et sœurs, lorsque nous lisons que Jésus enseignait dans les synagogues et que tous faisaient son éloge, on peut imaginer qu’il était en union incessante avec son père ... il a en lui un Souffle qui est le souffle même du Père, qui lui dicte tout ce qu’il fait, mais dans la plus absolue liberté ; il est pénétré, imprégné de l’Esprit même de Dieu, comme une huile imprègne un corps.
Il est venu en effet porter la bonne nouvelle. Ces quatre mots traduisent un unique verbe grec qui veut dire « évangéliser ». Ce mot, frères et sœurs, porteur d’une immense espérance à l’adresse de notre humanité est restaurateur pour celui qui se tourne vers Dieu ; il est aussi est libérateur de l’esclavage intérieur qu’est le péché, de ce terrible esclavage en notre cœur, quand nous sommes prisonniers de notre chair, de la haine, de l’argent, du mensonge, du confort indécent, du plaisir égoïste.
Et cette bonne nouvelle, nous venons de l’entendre dans le récit de saint Luc qui nous parle du début du ministère de Jésus, qui commence un jour de sabbat dans la synagogue de Nazareth. Comme vous le savez, après quelques prières, on lit un passage de la Torah. Celui qui préside invite l'un des assistants à lire, ou bien quelqu'un, dûment préparée, de sa propre initiative, se lève pour faire la lecture et ensuite expliquer le sens de la Parole de Dieu.
À cette occasion, Jésus se lève, et trouve dans le rouleau du prophète Isaïe qui lui est offert, un texte où le prophète parle d'un ‘oint’ du Seigneur qui porte la bonne nouvelle du salut et la proclamation que Dieu délivrera son peuple de ses souffrances. Ce sont des paroles de consolation, adressées au peuple d’Israël, rentré d'exil, qui travaillait à sa reconstruction après des décennies de ruines (à la suite de la conquête de leur territoire par les troupes babyloniennes au début du VIe siècle avant J.C).
Cela-dit, ce que Jésus vient de lire à la synagogue, n’est pas un simple rappel de la proclamation pleine d'espérance, que Dieu a rendue réelle par le passé, mais bien l'annonce de ce qui se passe réellement parmi eux, et c'est ce que Jésus leur fait comprendre : « Aujourd'hui, s'est accomplie l'Écriture que vous venez d'entendre ». C’est un commencement. Jésus annonce explicitement chez les siens, que le Royaume de Dieu est bien là et qu’il est le Messie attendu !
L'aujourd’hui dont parle Jésus dans l'Évangile n'est donc pas seulement un évènement qui s'est produit il y a plus de vingt siècles. Aujourd'hui encore, la parole de Dieu continue de se réaliser dans le cœur et la vie de la communauté chrétienne et continue d'éclairer sa route.
Aujourd'hui, c'est peut-être aussi, un jour de salut pour chacun de nous. Ne renvoyons pas au lendemain, la décision que le Seigneur attend de nous "aujourd'hui", frères et sœurs : se convertir, pardonner et accepter le pardon, recommencer avec l'aide de la grâce, se donner sans compter et espérer cet "aujourd'hui" où Dieu vient à notre rencontre pour nous guérir et nous rendre heureux.
Comment conclure frères et sœurs ?
Et que nous reste-t-il de cet enseignement depuis que Jésus n’est plus physiquement parmi nous ?
Saint Paul affirme que le Christ est ressuscité et que nous sommes tous membres de son corps ; chaque baptisé est donc membre du corps du Christ. De même que l’Esprit Saint, avec la chair de Marie, a conçu le corps physique du Christ, de même avec notre chair, il conçoit son corps mystique, l’Église. L’Église n’a pas d’autre mission que de « continuer Jésus » ici-bas. À tel point que pour « traduire Dieu » auprès de nos contemporains, Jésus n’a pas d’autres bouches, d’autres mains, d’autres cœurs que les nôtres.
Aussi, quand nous sortirons de cette église (tout à l’heure !), après avoir été nourris du Christ à la table de la Parole et de l’Eucharistie, demandons-nous comment nous pouvons être son cœur, pour aimer ; ses mains, pour relever et consoler ; ses pieds, pour visiter les malades et les prisonniers ; sa bouche, pour annoncer l’Évangile et prier. Car si nous ne le faisons pas, qui le fera à notre place, frères et sœurs ? Il y a là un grand enjeu. L’Église est un corps vivant tant qu’elle continue de « dire Dieu » ; et si elle arrête ... elle meurt.
L’exemple du Christ nous invite donc aujourd’hui à rendre la parole de Dieu vivante et vraie dans notre vie de tous les jours. Cette parole qui « redonne vie et qui rend sage, qui clarifie le regard et réjouit le cœur ». Cette parole, frères et sœurs, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit.
Amen.
Patrick
CHAHLA, diacre permanent
Gorges,
St Hilaire de Clisson Clisson
26
janvier 2025