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« Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l'Argent ». C’est ce que
Jésus nous disait dans le passage d’Evangile de dimanche dernier. La
première lecture d’aujourd’hui, tirée du livre d’Amos et la parabole du
Riche et de Lazare de l’Evangile de Luc vont exactement dans le même
sens. Elles nous interpellent sur les pièges de la richesse qui
détourne l’homme de Dieu et de ses frères et sœurs en humanité.
Le prophète Amos, huit siècles avant Jésus-Christ, lance un appel à la
conversion aux puissants et aux riches de son époque qui bafouent le
droit et la justice, Déjà, dimanche dernier, il leur reprochait de
faire leur fortune sur le dos des pauvres : « Nous pourrons acheter le
malheureux pour un peu d’argent, le pauvre pour une paire de sandales
». Aujourd’hui il leur reproche violemment leur insouciance et leur
inconscience : « vautrés sur leurs divans, ils mangent les meilleurs
agneaux du troupeau, les veaux les plus tendres… mais ils ne se
tourmentent guère du désastre d'Israël ! » Cet appel à la
conversion lui valut d'être expulsé de son pays.
Si ce prophète revenait aujourd’hui parmi nous, que dirait-il de
notre monde et notre société ? Il ne serait sûrement pas plus tendre,
car la situation ne s’est pas améliorée. Dans les dernières décennies,
l’écart entre les sociétés plus riches et les plus pauvres s’est encore
élargi. Tous les jours l’actualité évoque les conséquences qui en
résultent pour une grande part de l’humanité et pour notre planète.
« La pauvreté du monde est un scandale ! » Ce n’est pas le
prophète Amos qui a dit cela, c’est notre pape François. Je le cite : «
La pauvreté du monde est un scandale ! Dans un monde où il y a tant de
richesses, tant de ressources pour donner à manger à tous, on ne
comprend pas comment il y a tant d’enfants qui ont faim, qu’il y a tant
d’enfants sans éducation, tant de pauvres ! La pauvreté aujourd’hui est
un cri »
l’Evangile d’aujourd’hui est encore un appel à la conversion. Vous
savez que le mot ‘Évangile’ signifie « Bonne Nouvelle». L'Évangile est
une bonne nouvelle pour les pauvres, les mal-aimés, les exploités...
mais pour ceux qui n'ont pas de pitié pour leurs frères, qui refusent
d'aimer et de partager, qui ne veulent pas être solidaires, l’Evangile
peut-être rejeté car perçu comme une mauvaise nouvelle.
La parabole que nous venons d’entendre, appelée « parabole du riche et
du pauvre Lazare », est très sévère, car elle exprime de manière
radicale que celui qui reste indifférent à la misère de ses frères
s’écarte en même temps de Dieu. Ce riche, ce n’est pas Dieu qui l’a
condamné. Dieu n’a fait que prendre acte de la distance infranchissable
que cet homme a laissé s’établir entre lui et le pauvre Lazare.
Rappelons-nous des paroles de Jésus : « Chaque fois que vous
n’avez pas donné à manger au pauvre, c’est à moi que vous ne l’avez pas
fait. »
Cet appel à la conversion nous concerne-t-il ? Concrètement, qui est
riche, qui est pauvre ? Suis-je, sommes-nous riches ou pauvres ? Nous
pouvons être tentés de penser que, même si nous ne sommes pas aussi
pauvres que Lazare nous sommes loin d’être extrêmement riches et donc
que cela ne nous concerne pas vraiment.
Nous savons bien qu’avoir de l’argent n’est pas un mal en soi et est
même nécessaire pour vivre, pour faire vivre nos familles, mais vouloir
avoir toujours plus d’argent, plus de bien-être, peut entraîner à ne
penser qu'à soi-même, sans s'occuper ou se préoccuper des autres et à
passer à côté de l’essentiel.
Est-ce que je me reconnais, dans une certaine mesure, dans cet homme
riche ? N’aurais-je pas pas à ouvrir mon cœur aux personnes
nécessiteuses, par mon écoute, mon attention, le partage ? Est-ce qu’il
y a une catégorie de gens que j’ai plus de difficultés à accueillir :
handicapé, mendiant, étranger, immigrant…?
Ce qui fait la valeur d’une vie, c’est notre amour pour Dieu et pour
tous nos frères, un amour qui se traduit par des gestes concrets
d’ouverture, d’accueil et de disponibilité.
Par cette parabole Jésus nous invite :
- A prendre conscience des enfermements qui nous empêchent de partager
notre pain, notre amitié et notre temps, avec nos frères et sœurs en
humanité.
- A ouvrir notre cœur à toutes ces personnes qui, autour de nous et
dans notre monde, souffrent de précarité, de mépris et d’exclusion.
Même si nous n’avons pas grand-chose à donner, nous pouvons toujours
offrir un sourire, un regard. Le Cardinal Marty, ancien archevêque de
Paris, mort accidentellement en 1994, racontait avec beaucoup
d’humilité, qu’un soir, marchant dans une rue de la capitale, il
rencontra un mendiant. Il lui remit alors une pièce et poursuivit son
chemin. Quelle ne fut pas sa surprise de se voir rattrapé par le
mendiant qui lui rendit la pièce, en lui disant : « vous ne m'avez même
pas regardé ! » Le Cardinal comprit que cet homme, ce soir-là, lui
avait donné une belle leçon sur le regard, et donc sur la
reconnaissance des personnes. Ce regard qu'il attendait des passants
était bien plus important pour lui que la pièce qu'on pouvait lui
donner. Il est urgent que chacun de nous ouvre ses yeux, ses oreilles
et surtout son cœur à tous les Lazare qui sont sur sa route.
Le message que l’apôtre Paul donne à son disciple Timothée dans la
seconde lecture va tout à fait dans ce sens. Que lui conseille-t-il ? :
« Vis dans la foi et dans l'amour, dans la persévérance et la douceur
». C’est nous, aujourd’hui, qui sommes invités à vivre dans la foi et
l'amour de Dieu et de nos frères. Celui qui aime Dieu ne peut ignorer
son frère.
« Vivre dans la foi et l’amour ! » Que ce message nous habite tous tout au long de cette nouvelle année pastorale qui commence.
Seigneur, mets en nous la joie d’être avec toi pour aimer et servir nos frères.
André Roul, diacre permanent
29 septembre 2013
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