Demandez…
Voilà une chose bien humaine, qui ne semble pas avoir besoin qu’on nous la recommande. Dès sa naissance, et avant même qu’il ne sache parler, l’être humain ne cesse de demander. Le nourrisson ne connait que les cris pour réclamer sa tétée, mais très vite il saura utiliser toute une gamme de mots et d’expressions pour exprimer ses demandes. Plus tard encore, il consacrera beaucoup de temps et d’énergie à demander, à réclamer, à revendiquer, à exprimer ses besoins, ses désirs, parfois même ses exigences. Oui, demander, on sait faire ! On en fait même un peu trop sans doute. Pourtant Jésus lui-même nous exhorte à demander. Ça peut paraître surprenant.
On se souvient de ces gens qui venaient à Jean-Baptiste dans le désert, pour lui demander « que devons-nous faire ? ». Et lui leur répondait :« contentez-vous de ce qu’on vous donne ».
Jésus, quant à lui, nous incite à exprimer nos demandes, et même avec insistance s’il le faut. Et que dire d’Abraham, dans la première lecture de ce dimanche, qui renouvelle sa demande et en rajoute encore et encore, partant de cinquante pour finalement arracher à Dieu une promesse de grâce pour seulement dix justes !
Demander, c’est légitime. C’est même nécessaire, et Jésus nous invite à exprimer nos besoins à Dieu notre Père, bien qu’il les connaisse parfaitement avant même que nous les ayons exprimés.
Ailleurs dans les Évangiles, on retrouve Jésus dans cette incitation à exprimer nos désirs, à demander ce dont nous avons besoin. Il dit à l’aveugle Bartimée, à la sortie de Jéricho : « que veux-tu que je fasse pour toi ? » Cet épisode est raconté avec un déroulement identique par les deux évangélistes Marc et Luc.
Là encore, cette question de Jésus peut nous étonner. Il se trouve devant un aveugle qui vient à lui, et il lui demande « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Il sait bien quel est le désir de cet homme : retrouver la vue, bien-sûr ! Il aurait très bien pu le guérir tout de suite, sans rien lui demander !
Mais Jésus ne fait rien sans notre consentement. En lui demandant « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Jésus nous montre comment Dieu, qui connaît nos besoins, respecte absolument notre volonté. C’est pourquoi il nous demande de l’exprimer !
Dans la célébration des baptêmes de petits enfants, la toute première chose qui se passe avant même d’entrer dans l’église : le célébrant pose cette question aux parents : « que demandez-vous pour votre enfant à l’Église de Dieu ? ». Puis un peu plus tard dans la célébration, juste avant de verser l’eau sur le front de l’enfant, le célébrant demande aux parents « voulez-vous que cet enfant soit baptisé dans la foi de l’église, que tous ensemble nous venons d’exprimer ? » Dans son désir d’imiter le Christ Jésus, l’Eglise s’attache à ce que les parents expriment publiquement leur consentement au baptême de leur enfant. Là encore, cette question pourrait paraître superflue. Les parents n’ont pas fait le déplacement pour rien ! Ils sont bien là pour ça, c’est évident ! Ça va sans dire ! Mais ça va encore mieux en le disant.
On
le voit, cette insistance sur l’expression de la demande est centrale
dans le message de l’Évangile. C’est parce qu’en réalité, la demande est
liée à la foi. Jésus évalue notre foi non pas à notre pratique, mais à
notre façon de demander. Reprenons l’épisode de l’aveugle de Jéricho :
« - Que veux-tu que je fasse pour toi ?
-
Seigneur, que je retrouve la vue ! »
- Va, ta foi t’a sauvé ».
La demande de l’aveugle est le seul élément qui permet à Jésus d’évaluer sa foi. Etonnant ! Pour Jésus, l’expression de la demande est une expression de la foi. En effet, si l’aveugle demande à Jésus de le guérir, c’est parce qu’il croit que Jésus peut le faire ! C’est ça, la foi : croire fermement, avoir la certitude que Dieu peut guérir, qu’il peut agir en nos vies, et qu’il n’attend que notre consentement explicite pour le faire. Quand j’exprime une demande, quand je prie Dieu de m’aider dans telle ou telle situation, je fais un acte de foi parce que je crois que ma prière ne restera pas sans effet ; parce que je crois que Dieu est capable d’agir dans ma propre vie, et qu’il n’attend que ma demande pour l’autoriser à agir.
On retrouve ce lien entre demande et foi dans la question du célébrant aux parents lors du baptême : « voulez-vous que cet enfant soit baptisé dans la foi de l’église, que tous ensemble nous venons d’exprimer ? » Si les parents demandent le baptême de leur enfant, s’ils font cette démarche, c’est qu’ils croient en l’action de Dieu sur lui. Ils n’ont parfois pas les mots pour exprimer leur foi, mais l’Église les aide en leur demandant simplement de répondre à une question. Leur réponse suffit à montrer leur confiance en Dieu dans ce qui va se passer ensuite. Et même si leur foi peut sembler faible et fragile, c’est « dans la foi de l’Église » que leurs enfants sont baptisés. La foi de l’Église, c’est beaucoup plus que la somme de toutes les fois de chacun de ses membres.
Mais revenons à l’Évangile de ce jour. Après avoir donné à ses apôtres les mots de la prière du Notre Père, Jésus poursuit immédiatement par une incitation à demander : « Demandez, et on vous donnera ». Et il insiste même : « cherchez, vous trouverez. Frappez, on vous ouvrira ». Et il illustre son propos avec des exemples concrets, comme cet enfant qui demande un poisson à son père, sachant qu’il ne lui donnera évidemment pas un serpent.
Demander, c’est donc exprimer sa foi. Je me souviens, lors d’une session de formation en théologie, d’une religieuse déjà bien âgée, qui réagissait à ce passage de l’évangile en disant que dans ses prières, elle n’osait jamais rien demander pour elle-même. « Je ne vais quand-même pas déranger le Seigneur juste pour ma petite personne ! ». Et cette façon de penser n’est pas rare chez les chrétiens. Derrière cette attitude qui peut apparaître comme de l’humilité, se cache sans doute au contraire un certain orgueil (« je n’ai pas besoin de Dieu, je vais m’en sortir tout seul ») et aussi un vrai manque de foi. Est-ce que je crois, oui ou non, que Dieu peut et veut agir dans ma vie pour mon bien, comme un père souhaite le bien de ses enfants et répond à leurs demandes en vue de ce bien ? Est-ce que je le crois ? C’est Jésus lui-même qui nous le dit !
Alors, frères et soeurs, nous-mêmes, n’ayons pas peur de demander. Soyons comme des enfants, et dans la confiance, avec foi, demandons à notre Père qui est aux cieux qu’il fasse en nous ce qui est bon.
Amen.
Daniel BICHET, diacre permanent
Gétigné, Clisson,
27 juillet 2025