Année C
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retour vers l'accueil12° dimanche du Temps Ordinaire
Za 12, 10-12a ; 13, 1 ; Ps 62 ; Ga 3, 26-29 ; Lc 9, 18-24
« Encore
un sondage ?! Jésus sonde l’opinion : « Pour vous, qui suis-je ? ».
S’il nous demande notre avis, c’est sans doute qu’il a besoin de
redorer son image, ou d’adapter son message en fonction de l’opinion
publique… Encore une opération de communication destinée à mieux
vendre… »
Tout faux. D’abord, Jésus n’a
rien à vendre ! L’Eglise non-plus. Ensuite, il ne s’agit pas d’un
sondage. Et ni Jésus ni l’Eglise n’ont l’intention d’adapter leur
message à l’opinion publique. Au contraire, la Mission de Jésus est
d’annoncer la bonne nouvelle à tous, sans distinction. Et celle de
l’Eglise c’est, à la suite de Jésus, d’annoncer l’évangile à chacun,
afin de faire changer l’opinion du monde – et pas l’inverse ! – quand
cette opinion s’égare dans des voies hasardeuses.
Non, Jésus n’interroge pas ses
disciples parce qu’il voudrait soigner son image, ou adapter sa
communication. Il nous est parfois difficile de sortir de nos schémas
formatés par la société de consommation. De toutes façons, puisqu’il est
Dieu, Jésus connaît la pensée de chacun ; il n’a pas besoin
d’interroger ses disciples. Alors, quel est le sens de sa question ?
Il faut se rappeler que chaque
parole de Jésus est un enseignement. Ce qu’il dit est toujours destiné
à nous faire réagir, à provoquer chez nous une réflexion, voire un
changement ; ce que l’on appelle une conversion.
Dans un premier temps, on peut
déjà remarquer qu’à la question « qui est Jésus », les réponses « de la
foule » font toutes référence à un personnage du passé : Jean Baptiste,
Elie, un prophète d’autrefois qui serait revenu. N’est-ce pas étonnant,
cette fixation vers le passé, cette tendance à lier nécessairement un
personnage du présent, un événement actuel, à des faits révolus et des
personnes disparues ? Ce réflexe de faire appel au « déjà vu » pour
identifier l’inédit ? N’est-ce pas révélateur, finalement, des
difficultés que nous avons, nous aussi, à accepter la nouveauté ? Même
la réponse de Pierre, qui est, pourrait-on dire, « la bonne réponse »,
est aussi une référence au passé : « Tu es le Christ, le Messie
de Dieu ». En entendant ces mots, chacun des auditeurs présents a en
tête ce personnage annoncé par les prophètes, le messie, le Fils de
l’Homme, l’envoyé de Dieu, celui qui doit venir… Personnage déjà connu,
en quelque sorte. Sauf que Jésus, justement, annonce immédiatement
quelle est la nouveauté : ce messie tant attendu, voilà qu’il doit
souffrir, qu’il soit rejeté par les autorités religieuses, qu’il soit
tué, et qu’il ressuscite le troisième jour. Ce n’est pas cette image du
messie que se faisaient les juifs. Ils attendaient un chef de guerre,
et Jésus annonce un messie victime innocente. Quelle nouveauté ! C’est
sans doute pourquoi il défend à ses disciples de révéler son identité :
le monde n’est pas encore prêt à accueillir cette nouveauté. Il faudra
attendre l’événement de la Résurrection pour que le sens du message
soit mieux compris.
Pourtant, nous aussi, sommes-nous
bien clairs avec cette image du Christ qui, pour nous libérer et nous
donner la vie, doit d’abord donner la sienne, librement, en passant par
les souffrances de la passion, et la mort de la croix ? N’avons-nous
pas aussi, parfois, envie de préférer un Christ qui viendrait se
manifester de manière extraordinaire, qui s’imposerait par la force
pour que chacun le reconnaisse une fois pour toutes, sans équivoque ?
Oui, « pour vous, qui suis-je ? »
nous demande Jésus. Quelle est notre foi, véritablement ? Qui est-il
donc, ce Jésus, « le Christ, le Messie de Dieu » ? La réponse que
chacun pourra donner ne constituera pas une opinion. De notre réponse
personnelle dépendra toute notre vie, le sens que nous lui donnons, les
attitudes que nous adopterons dans notre quotidien pour nous ajuster à
ce que nous croyons. Car immédiatement après avoir annoncé sa passion,
sa mort et sa résurrection, Jésus nous interpelle ainsi : « celui qui
veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa
croix chaque jour et qu’il me suive. » Affirmer que Jésus est le
Christ, le Messie de Dieu, c’est donc plus qu’une simple opinion, c’est
un véritable engagement. Il est vrai qu’il serait plus confortable pour
nous de suivre un Messie glorieux, chef de guerre écrasant ses
adversaires. Mais Jésus est très clair : le suivre, c’est passer par le
même chemin que lui : dans la plus grande humilité, prendre sa croix,
subir les outrages et le mépris, endurer la souffrance et accepter la
mort…
Ce programme n’est pas
réjouissant ! C’est pourtant ce que vivent, en ce moment même, à
l’heure où nous parlons, des milliers de chrétiens de par le monde,
persécutés, humiliés, discriminés en raison de leur foi. Certains même
sont menacés de mort, torturés ou tués. D’autres préfèrent fuir,
parfois dans l’urgence, sans bagage, seulement avec les vêtements
qu’ils portent, vidant ainsi leur pays de ses forces vives, de sa
culture originelle. Certains arrivent chez nous dans l’espoir de
trouver un toit, un réconfort, une dignité. Comment ne pas voir en eux
le visage du Christ, subissant sa passion et portant sa croix sur le
chemin du calvaire ? Ne sont-ils pas, tous ces chrétiens jetés sur les
routes de l’exil, la terrible incarnation de cette annonce de Jésus : «
celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il
prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive. » ? Ces hommes, ces
femmes et ses enfants nous interpellent à leur tour. Allons-nous
entendre leur cri ? D’abord, comment les accueillons-nous ? Mais
surtout : que faisons-nous pour sensibiliser nos gouvernants à leur
situation ? Que faisons-nous pour qu’ils puissent vivre en paix chez
eux ?
Au-delà de ces questions de plus
en plus prégnantes, il y a une autre question, celle de l’empathie, qui
doit nous préoccuper : Et moi, si je devais subir leur situation,
quelle serait ma réaction ? Quels seraient mes choix ? Comment est-ce
que je répondrais alors à la question de Jésus « pour vous, qui suis-je
? » Ma foi serait-elle suffisamment forte, suffisamment ancrée en moi,
pour que je puisse vivre la persécution, le dénuement, l’exil ? Car
nous ne sommes pas différents de tous ces gens, baptisés tout comme
nous : St Paul nous l’a rappelé dans la deuxième lecture :
« vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n’y a plus ni juif ni grec, (il n’y a plus ni irakien, ni syrien, ni français...) il
n’y a plus ni esclave ni homme libre, [...] car tous, vous ne faites
plus qu’un dans le Christ Jésus. Et si vous appartenez au Christ, […]
vous êtes héritiers selon la promesse. »
Frères et sœurs, déposons au fond de nos cœurs cette question de Jésus : « pour vous, qui suis-je ? ». Qu’elle nous travaille tout au long de notre journée, de notre semaine. Face à nos choix, Jésus nous confie sa promesse : « celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera. »
Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent.
St Hilaire et Maisdon sur Sèvre
19 juin 2016
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