Ac 9,26-31 - I Jn 3,18-24 - Jn 15,1-8
Dieu nous demande-t-il d’être de bons producteurs de fruits ?
En lisant, relisant, méditant et partageant cet évangile, j’ai retenu
deux choses.
La première : Jésus ne dit pas que les sarments « produisent »
du fruit. Nous ne sommes pas des producteurs. Dans notre région, nous
avons la
chance d’avoir beaucoup de producteurs, de pommes, de poires, de fraises
ou
autres maraîchers. Je ne sais pas pour vous mais il y a quelques
semaines je
suis allé au marché. Voilà que le producteur de fraises était revenu. Je
me suis
dit quand même c’est un peu tôt dans la saison ! Quelques temps
plus tard en
retournant au marché je lui demande : « elles sont bonnes tes
fraises ? » Evidemment, il me répond qu’elles sont sucrées,
fermes et
ont du goût. Je me dis c’est le printemps, j’ai envie de ces fruits des
beaux
jours et je me laisse tenter…. Bon ! autant vous dire qu’elles
n’étaient
pas terribles ces fraises… Elles avaient peu de goût sans plus et pas
beaucoup
de sucres ! Eh bien voilà, en fait, je suis allé chez un producteur
de
fraises ! Quelqu’un qui aménage, prépare, travaille et peut-être
parfois
force un peu et pour quoi ? Pour satisfaire à la demande ! Notre
Dieu
n’est pas un producteur, il ne nous force pas à produire.
Dieu ne nous veut pas producteur, il nous veut porteur !
Une femme enceinte me disait un jour : « heureusement que ce
bébé qui est en moi, se fabrique sans que j’aie besoin d’y penser. Je
n’ai pas
besoin de me dire tiens là il faut que je fasse le gros orteil ou une
oreille
parce que je suis sûr que j’oublierais quelque chose, que je n’y
arriverais pas » !
« Porter du fruit ! ce n’est pas une injonction. Non !
C’est comme ça, c’est une constation. En Lui nous allons porter du
fruit, cela
fait partie de l’ordre des choses. Ni le sarment ni le cerisier ne pense
à
faire des fleurs et puis du raisin ou des cerises. Cela vient. Et en
plus, pour
nous, les fruits que nous portons ne sont pas forcément ceux auxquels
nous
pensons. Oui peut-être que le plus beau dans tout cela est que
quelquefois nous
ne savons même pas le fruit que nous portons dans nos quotidiens…
Mais comment cela se fait-il ?
Jésus nous dit : « Demeurez en moi ». Demeurez, cela veut
dire rester ! prendre du temps ! ».
Ce n’est pas si simple mais un ami avec qui j’échangeais sur cet évangile
me disait : « ce que je comprends de cette phrase,
demeurez… » ?
« Ça fait de moi une version moins pire de moi-même ».
« Souvent
dans des moments de désespoirs ou de bonheur aussi je pense alors que je
vais tout
faire avec mes petits bras, par moi-même », comme si le sarment
produisait
du fruit sans la vigne ! Où donc sont mes ressources, où est ce qui
me
nourrit et m’aide à tenir ? Régulièrement dans mon travail je
demande aux
parents d’adolescents que je rencontre, comment ils prennent soins d’eux
pour
faire face à la vie ? Et très souvent ils me disent « je n’ai pas
le temps »,
ou alors « ce n’est pas moi qui compte ». Je me demande alors
s’il
s’agirait de faire des activités de loisirs ou de m’ancrer et de me
savoir En
Lui « Une version moins pire », même pas meilleure !!
moins pire
car je suis enraciné dans l’espérance que le Seigneur m’apporte et dans
son
réconfort.
Voici le deuxième point de cette promenade en Evangile. Jean nous parle
de vigne, de sarment et de vigneron. Le fruit n’est produit que parce
qu’il
provient du sarment attaché au Cep et travaillé par le Père. Ensembles
ils
forment un tout.
Il y a quelques années dans un documentaire sur le vin un Faiseur de vin
(Wine Maker) disait donnez-moi n’importe quelle vigne et je vous fais un
bon
vin. Vous y croyez, vous, que c’est comme ça qu’on fait un bon
vin ? Et un
vieux bourguignon lui, dira ; pour faire un bon, vin ? il faut
un bon
cep, l’art du vigneron et le temps.
Et nous alors, nous avons le meilleur vigneron qui soit : Dieu, le
meilleur pied : Jésus, et est-ce que c’est si simple ? Je ne
crois
pas car il nous faut accepter à la fois d’être accroché à Jésus et de se
laisser travailler par le Père.
Être accroché à Jésus, nous le sommes par le baptême et nous le restons
par la prière et par notre manière de conduire notre vie en écoutant et
en
mettant à l’œuvre sa parole.
Et se laisser travailler par le père ? C’est – il me semble- se
rendre compte ou reconnaitre que Dieu nous accompagne chaque jour de
notre vie,
dans nos joies et dans nos tristesses. Et dans chacun de ces moments les
plus
beaux et les plus durs, nous avons le choix de laisser Dieu nous guider
vers
plus de vie, plus d’ouverture ou au contraire de nous renfermer en
nous-même et
de refuser sa présence. Ce choix n’est pas non plus si simple.
Je crois que quand nous nous laissons guider, façonner par Dieu, lorsque
nous sommes enracinés dans le Christ alors nous devenons cette meilleure
version
de nous-même, celle que Dieu espère pour nous, celle qui porte du fruit
en
abondance.
Pierre POITOU, diacre permanent
28 avril 2024