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4° dimanche de Pâques


Ac 4, 8-12Ps 117, 1 Jn 3, 1-2, Jn 10, 11-18


Aujourd’hui, nous sommes le dimanche que l’on appelle « dimanche du bon pasteur. » Alors ayons une pensée pour tous les pasteurs que nous connaissons. (…)

Après avoir dit ça, je suis certain que la plupart d’entre-nous avons pensé à un prêtre, à des prêtres ; aux prêtres de notre paroisse, ou à d’autres que nous connaissons. En effet, on désigne souvent les prêtres par ce terme de « pasteur ». Peut-être aussi quelques-uns parmi nous ont eu une pensée pour un pasteur protestant qu’ils peuvent connaître. Mais je ne crois pas prendre de risque en pariant que personne n’a pensé à un berger. Un vrai berger, celui qui garde des moutons dans les pâturages de nos montagnes. D’abord parce qu’il y a peu de chances que nous en connaissions, il n’y a pas beaucoup de troupeaux de moutons dans notre vignoble ! Mais sûrement aussi parce que le mot pasteur s’est peu à peu éloigné de son origine, qui désigne un berger, pour désigner aujourd’hui un homme d’Église. Inversement, et paradoxalement, des personnes qui ne connaissent pas l’Église, s’ils savent bien ce qu’est un berger, ne savent pas toujours ce qu’est un pasteur. C’est le cas de certains catéchumènes que j’ai pu accompagner.

Alors, pasteur ou berger ? berger ou pasteur ? Quelle différence ? quelle importance ? 

À l’époque de Jésus, les bergers ont mauvaise réputation. Ils vivent dehors, avec leurs bêtes, loin des villes, à l’écart, et pour cette raison, ils ne peuvent pas pratiquer une grande partie des préceptes de la Loi de Moïse. Au nom même de cette loi, ils sont donc considérés comme des gens de mauvaise vie, au même titre que les publicains, les voleurs, les prostituées. C’est pourquoi, dans le récit de la nativité, on fait porter aux bergers la symbolique des petits, des pauvres, des exclus, à qui Dieu pourtant se révèle en premier. Ce sont eux les premiers informés de la naissance de Jésus, par les chants des anges : « Gloria, in exelcis Deo ! Aujourd’hui vous est né un sauveur ! » Naissance du sauveur, du Roi de l’univers, non-pas dans un palais royal, comme on pourrait l’attendre, mais parmi les bergers justement, dans une de leurs étables misérables, dans un coin perdu de la campagne de Judée. Tandis que les grands de ce monde, comme le roi Hérode, les élites impériales romaines, les savants et les scribes de Jérusalem sont laissés dans l’ignorance de cette naissance. Le berger, donc, c’est l’image du petit, de l’exclu, du méprisé ; l’homme de peu de valeur aux yeux des autres hommes.

Mais dans la grande majorité des textes de la Bible, l’image du berger est employée au contraire pour évoquer le chef, celui qui dirige, qui guide et qui prend soin de son peuple, de son troupeau. De nombreux psaumes parlent de ce Dieu qui fait paître son troupeau, qui prend soin de chacune de ses brebis. Et puisqu’il les fait paître, on l’appelle…  un pasteur ! D’ailleurs, même dans les pays alentour, à Babylone et en Assyrie, les puissants rois de l’antiquité aimaient se faire appeler pasteurs de leur peuple, bergers à qui la divinité locale avait confié la mission de rassembler les brebis du troupeau, d’en prendre soin, de les diriger.

On voit donc que, si les deux termes désignent exactement la même personne, la même fonction, on va utiliser le mot « pasteur » pour valoriser, et « berger » pour dévaloriser. Dans les textes qui parlent de la nativité, y compris les histoires pour les enfant, jamais on ne voit les bergers de la crèche appelés pasteurs !

Le dimanche du bon pasteur est donc ce jour où l’Église nous propose de considérer Dieu comme celui qui veille sur nous, sur chacun de nous personnellement, avec tout son amour et toute sa bienveillance. Et pour se faire, elle s’appuie sur ce passage de l’évangile de Jean que je viens de lire.

On peut remarquer que dans ce texte que nous connaissons bien,  l’évangéliste lui aussi distingue les termes « berger » et « pasteur » : « Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger qui donne sa vie pour ses brebis » et il ajoute : « le berger mercenaire n’est pas le pasteur ». Il y a donc bien une valeur ajoutée au terme de pasteur, par rapport à celui de berger. 

Si Jésus se présente à nous comme « le bon pasteur,  le vrai berger » ça veut dire qu’il y a de mauvais pasteurs et de faux bergers. Il nous met en garde contre ces imposteurs.

Mais qui sont-ils aujourd’hui, ces faux bergers ? Ils se présentent à nous sous un aspect agréable : « suivez-moi, faites-moi confiance ! » Ils nous promettent de belles choses, nous indiquent les opinions qu’il faut suivre — comme des moutons — et nous disent ce que nous devons penser. Ils désignent les méchants, ceux qui ne pensent pas comme il faut. Des bergers pleins de bonnes intention, ça ne manque pas. Alors, comment reconnaître le bon ? Quel est le « bon » pasteur ? Comment discerner quels sont les bergers mercenaires, qui prétendent servir les autres mais ne pensent qu’à leur intérêt ? Eh bien Jésus lui-même nous aide à faire ce choix. Le berger qui aime ses brebis, c’est lui. Il les connaît personnellement, chacune. Il va jusqu’à donner sa vie pour elles. Il l’a fait, sur une croix. Les bergers que Jésus appelle « mercenaires », au contraire, se servent de leur pouvoir, de leur influence, pour eux-mêmes, au service de leurs propres intérêts, et non pour le bien des personnes dont ils ont la charge. C’est quand arrive le loup, quand les difficultés nous accablent, que se révèle l’imposture : les bergers mercenaires s’enfuient et nous laissent désemparés. Jésus, le Bon Pasteur, est au contraire celui qui reste avec nous, qui nous accompagne et qui nous sauve, jusqu’au prix de sa propre vie. Il connait chacun de nous et chacun de nous a du prix à ses yeux. Il nous porte sur ses épaules pour nous mener vers les verts pâturages, vers les eaux paisibles, comme dit le psaume 23.

L’apôtre Pierre, dans la première lecture, n’a pas choisi de nous présenter Jésus comme le bon berger, mais comme « la pierre méprisée par les bâtisseurs devenue la pierre d’angle », reprenant la formule du psaume 117 que nous avons entendu aujourd’hui. C’est une autre façon de dire la même chose : l’élément apparemment quelconque parmi les autres, qui devient la pièce maîtresse sur laquelle tout l’édifice peut s’appuyer. Jésus, le berger quelconque parmi ses semblables, qui devient le pasteur, le guide qu’il faut suivre, qui nous accompagne sur le bon chemin, car il est le seul qui puisse nous sauver : « en nul autre que lui il n’y a de salut » nous dit St Pierre.

Frères et soeurs, en ces temps incertains où notre espérance est bien éprouvée, avec la violence qui semble gagner le monde, les conflits qui se multiplient et les menaces de guerres, choisissons de nous en remettre au Bon Berger. Choisissons-le comme unique pasteur, écoutons sa voix et laissons-le nous guider parmi les verts pâturages sur le chemin paisible qui mène au salut.


Amen !


Daniel BICHET, diacre permanent

Maisdon-sur-Sèvre, Boussay et Clisson

21 avril 2024



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