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3° dimanche ordinaire

Livre de Jonas 3, 1-5.10
Psaume : Ps 24 (25)
1ère lettre de Saint Paul apôtre aux Corinthiens 7, 29-31
Evangile de Jésus Christ selon St Marc 1, 14-20


Frères et sœurs,

Dimanche dernier, nous avons écouté le récit de l’appel des premiers disciples selon la version de St Jean, (à partir de laquelle Jo nous appelait à entrer « en conversation » avec Jésus et avec nos frères et sœurs) ; aujourd’hui c’est la version de St Marc qui nous appelle, non pas à une conversation mais à « une conversion »... Des différences sont notoires entre les deux récits, parce que les évangélistes n’ont pas les mêmes préoccupations que les historiens : pour eux ce n’est pas le fait historique brut qui importe, c’est plutôt sa signification, sa portée. Les évangiles ne sont pas des reportages, mais des catéchèses. En relatant la vocation des premiers disciples, ils veulent montrer l’initiative de Jésus qui appelle et la réponse immédiate, aussi généreuse que radicale, des apôtres (Marc écrit plus d’une fois « aussitôt »).

Marc nous rapporte que « le lieu » choisi par Jésus pour commencer sa mission, c’est la « Galilée des païens » : pourquoi n’a-t’il pas choisi Jérusalem la ville sainte ? Après la résurrection, Jésus donnera justement rendez-vous aux Douze en Galilée, ce sera le point de départ de la mission des apôtres à leur tour. Il manifeste ainsi l’universalité du salut : la Galilée « carrefour des nations » ; Jésus va vers tous les hommes, il veut une Eglise même en plein milieu païen : aujourd’hui encore le Christ nous envoie en milieu déchristianisé, aux périphéries.

Après le lieu, Marc nous décrit le choix du « personnel ». Jésus n’aurait certainement pas eu l’agrément des managers de nos entreprises modernes : ils n’ont pas de CV ! De pauvres pêcheurs qui n’ont eu d’autre horizon que le lac de Galilée ; ils ne savent que jeter le filet, pas toujours avec succès, car ils ont, au moins une fois, avoué à Jésus : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ». Voilà les « cadres » que Jésus se choisit comme collaborateurs, associés, partenaires et continuateurs. Jésus ne les a pas soumis à des tests (ni stage ni noviciat) pour évaluer leur quotient intellectuel, il n’exige pas une bonne intelligence. Jésus s’attache, non les « têtes bien faites », une élite, mais les gens de cœur. Ainsi, personne ne se sentira exclu, personne ne dira que le Christ n’appelle que les plus saints, les meilleurs, les plus intelligents, les mieux habillés, les mieux nés… C’est vous et moi, c’est tout le monde qui est appelé à le suivre, à devenir « pêcheurs d’hommes ».

Et ces gens « quittent tout » ! Tout : leurs familles, leurs épouses, leur profession, leurs barques, leur patrimoine… ils ont tout quitté pour suivre Jésus… « aussitôt ». Dans la logique actuelle, ils auraient dû s’assurer que Jésus avait mis de son côté toutes les chances de réussite et de succès pour son œuvre aux ambitions planétaires : une minutieuse étude de projet, des finances suffisantes, un personnel hautement qualifié et tout un ensemble de stratégies, de logistiques… Ils auraient dû « attendre pour voir » : un peu de temps par prudence pour savoir ce que vaut ce jeune rabbi, si on peut parier un kopeck sur lui, si le jeu en vaut la chandelle...

Qu’est-ce que Jésus met comme capital, comme méthodologie, comme logistique ? Qu’est-ce qu’il fait comme discours inaugural ? Quelles sont les lignes de force de son programme ? La confiance, l’amour, rien d’autre que ça ! « Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. », ce sont là les premiers mots de Jésus : les premiers disciples n’ont pas d’abord adhéré à une doctrine, quand ils l’ont suivi, ils n’avaient même pas encore reçu d’enseignement. Jésus n’est pas venu donner une bonne doctrine, la foi ne porte pas sur des idées, mais sur sa Personne : le suivre, adhérer à lui, s’attacher à lui… Se convertir et croire ; se convertir, c’est croire, car c’est le même mouvement de la personne qui fait tellement confiance qu’elle se tourne vers celui qui lui fait confiance et mérite confiance… comme en tout amour, quand le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas. Se convertir, c’est quoi ? On était trop tourné vers soi-même, on décide de se tourner désormais vers les autres et vers Dieu. Non pas parce qu’on a bien réfléchi, qu’on a été convaincu par un raisonnement, mais parce qu’on se sent attiré et qu’on veut s’attacher. Se convertir, c’est quitter un passé pour un avenir autre, pour vivre et aimer autrement. Dans tout amour, il y a un saut à faire dans l’inconnu, une rupture, une conversion. C’est cela qui est dit dans le terme « quitter /tout laisser » : « aussitôt, laissant là leurs filets, ils le suivirent… laissant dans la barque leur père avec ses ouvriers, ils partirent derrière lui. » Aussitôt ! Coup de tête ou coup de cœur ? Quelle force extraordinaire d’attraction dégage le jeune Rabbi Jésus pour les séduire si fort ? Hypnose ? Non ! Jésus respecte trop notre liberté, il ne peut pas jouer ni manipuler la conscience des gens. L’amour oui, beaucoup d’amour ! Il suffit donc d’avoir cette générosité qui répond oui « aussitôt », en toute liberté, avec confiance, avec Foi (même mot).

Eh bien F&S, nous aussi nous sommes envoyés vers les Galilée des païens d’aujourd’hui qui est immense : depuis notre Europe déchristianisée dont nous allons prochainement être invités à renouveler nos représentants… au plus près de nous : dans nos familles, nos quartiers, nos environnements professionnels ou associatifs. Nous sommes appelés à rejoindre ceux qui sont en recherche, ceux qui n’osent pas, qui ne se sentent pas accueillis, ceux qui doutent, ceux qui ont des idées déviantes, ceux qui sont allergiques même à la religion, ceux qui suivent les dieux de la bourse et les stars… En fait, nous croyons que les gens sont éloignés de Dieu, alors qu’ils sont en attente : il suffit parfois d’un mot pour les ramener à Dieu.

Peut-être que parmi nous certain(e)s se demandent pourquoi ils ne se sentent pas en capacité de répondre à cette attraction que Jésus a exercé sur Pierre, André, Jacques et Jean et les autres qui ont été vite séduits pour tout quitter « aussitôt » et le suivre ? Comment quitter le confort de nos maisons, de nos habitudes, de nos certitudes, pour nous mettre au service, nous tourner vers les autres, pour l’amour de Dieu ?

Et bien, comme nous avons pu le voir dans la rétrospective 2023 de la vie de notre paroisse présentée lors de la galette partagée dimanche dernier, les exemples de mobilisations et d’engagements vers les périphéries, vers les jeunes, vers les plus fragiles et les plus en attente, ne manquent pas et nous pouvons nous en réjouir ! Pour autant, la Galilée des païens de chez nous est immense, il y a donc bien urgence et aucun « pêcheur d’hommes » ne peut être de trop.

Car on ne pêche pas des hommes comme des poissons, et surtout pas dans le même but. Avec les hommes, on ne cherche pas à les prendre, à les capturer, à les avoir... au contraire, il s’agit de les sauver ! On pêche des poissons pour leur mort, pour les manger ; on pêchera des hommes pour leur vie ; bien plus, pour se donner à eux en nourriture. Il s’agit en fait de « re-pêcher », de passer de la logique de la « prise », de l’avoir, de la possession et du gain, à une logique du don. Vous le voyez : la conversion requise est profonde et totale : nous sommes invités à changer radicalement notre manière de nous relier au monde et aux autres hommes.

Vous l’avez compris, les serviteurs de Dieu ne sont pas des héros, des hommes ou des femmes extra-ordinaires ; ils ne sont pas nécessairement des gens particulièrement vertueux ; ce sont des gens ordinaires, ce sont nos semblables. Car Dieu a besoin de chacun(e) de nous, quelles que soient nos qualités et nos défauts, et il a besoin que nous soyons unis et c’est aussi le sens de cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens qui se clôturera jeudi prochain et pour laquelle nous sommes tous invités à demander à Dieu de nous aider à vivre la communion entre Eglise chrétienne pour diffuser, croire et nous convertir à ce précepte de vie que Jésus nous a enseigné : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et ton prochain comme toi-même ».

Oui, il y a toujours quelque chose à convertir dans nos vies ; il y a beaucoup à changer dans notre monde en crise, et c’est urgent ! Souvenons-nous que même Jonas, dans sa médiocrité, a permis à la parole de Dieu de se répandre dans toute la ville de Ninive pour conduire à la conversion de tous ses habitants ; alors F&S, laissons-nous convertir par cette parole engageante et porteuse d’espérance :
« Dieu n’appelle pas ceux qui sont capables, Il rend capables celles et ceux qu’Il appelle ! »            

Oui, c’est à toi qu’Il s’adresse, alors viens nous rejoindre, maintenant « aussitôt », il y a des filets qui t’attendent !

Amen.

Patrick JAVANAUD, diacre permanent

21 janvier 2024



                               



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