Gn 9, 8-15 ; Ps 24 (25), 4-5ab, 6-7bc, 8-9 ; 1P 3, 18-22 ; Mc 1, 12-15
Ça
y
est, nous y sommes ! Depuis mercredi nous avons repris le chemin du
désert pour 40 jours ;
Certains
se
réjouissent, certains l’appréhendent, d’autres peut-être, ne voient bien
pas
ce que cela va changer.
Le propre du désert est de désarçonner le voyageur, en cassant tous les repères qu’offre habituellement le paysage, dans son immensité uniforme où toutes les pierres se ressemblent. Où le vert de la végétation a disparu. Dans ce lieu où il n’y a plus de faux semblant : « dépouillement », « traversée du désert », « aridité ». Ce ne sont pas des idées joyeuses.
Ce temps liturgique s’est constitué autour de quarante jours de préparation pour les catéchumènes avant la célébration du baptême, symbole des quarante ans passés par les Hébreux dans le désert avant d’accéder à la Terre promise. Mais pour ceux qui sont déjà baptisés, c’est l’occasion de faire mémoire de son propre baptême. Ces quarante jours sont aussi un temps de pénitence en vue de l’action de grâce pascale. Nous sommes invités à pratiquer plus intensément la prière, le jeûne et l’aumône. Vous avez remarqué la couleur violette. Nous ne chantons plus le Gloria ni l’Alléluia, l’orgue joue moins et le sanctuaire est peu orné de fleurs. Tout cela permet de créer un contraste avec la fête de Pâques qui n’en sera que plus éclatante.
Aujourd’hui, pendant que je vous parle notre évêque célèbre l’appel décisif des catéchumènes (105 adultes le soir et 146 collégiens et lycéens le matin) qui les mènera vers la célébration de leur baptême dans la nuit pascale. Pour notre paroisse ils seront 7 : 6 collégiens et 1 adulte.
«
En quarante ans d’exode, la vieille génération des hébreux partis
d’Egypte,
celle qui a commencé la marche, est morte au désert sans voir la Terre
Promise.
Dans la Bible, le chiffre 40 symbolise le temps d’une transformation,
d’une
génération, qui a permis au peuple d’Israël de se régénérer, de
se renouveler,
d’être rajeuni. Cela signifie que le vieil homme en chacun de nous doit
laisser
place à « l’homme nouveau ». C’est
un processus qui demande le temps de
toute une vie, et que le Carême remet chaque année symboliquement devant
nous, car
la distance est immense entre les pensées des hommes et celles de Dieu
(Is 55,
8-11). Traditionnellement, Jésus est resté 40 jours au désert, comme le
prophète Elie. Comme la durée du Déluge.
En
Egypte,
finalement, le peuple juif vivait bien, mangeait bien, avec un Pharaon
qui décidait de tout. Les Hébreux ont osé partir, tout quitter, même si
ils
avaient peur du risque et de l’erreur. Et ils ont vite regretter les
bons repas.
Mais si Moïse conduit Israël hors d’Égypte, ce n’est pas pour remplacer
un
régime totalitaire par un autre ; et la loi qu’il reçoit de Dieu
pour la
donner au peuple, n’est pas une somme d’interdits, mais un chemin de
libération pour une nouvelle alliance avec Dieu. »
Alors
sur
notre chemin cette année, qu’allons nous accepter de laisser pour
grandir
en liberté, pour renouveler notre alliance avec Dieu ?
Le
texte
de la Genèse qui nous parle du déluge est le premier texte de la Bible
qui parle d’Alliance (le mot est répété 5 fois), une alliance manifestée
par l’Arc
en ciel.
Et
St
Pierre nous parle du déluge comme « une figure du baptême qui
vous
sauve maintenant : le baptême ne purifie pas de souillures
extérieures, mais il
est l’engagement envers Dieu d’une conscience droite et il sauve par
la
résurrection de Jésus Christ. »
Le
Déluge.
Les images littéraires
associées à
l’eau peuvent se résumer schématiquement, en trois grandes
catégories :
l’eau source de vie, l’eau qui purifie, et l’eau qui régénère.
Le
récit biblique est très simple :
après l’expulsion d’Adam et Ève du Paradis, la corruption n’a cessé
d’augmenter
sur la terre, jusqu’au jour où, fatigué de la méchanceté des hommes et
peiné
dans son cœur, Dieu décide de faire disparaitre l’espèce humaine dans
une
inondation générale. Des pluies incessantes s’abattent sur la terre
durant quarante
jours et quarante nuits, jusqu’à ce que les sommets des plus
hautes
montagnes se trouvent entièrement submergés. Pourtant tout n’est pas
détruit,
car l’œuvre de Dieu n’est pas imparfaite au point d’être anéantie. En
effet, un
juste a su trouver grâce aux yeux du Seigneur : Noé et sa famille
échappent à la destruction générale, abrités dans l’arche qu’ils ont
construite
sous la direction divine.
Nous
voyons ici les eaux du déluge destructrices.
Et on peut le voir comme l’annonce du jour du Jugement dernier.
Mais
en même temps, les eaux du
déluge sont aussi l’instrument d’une re-création de l’humanité, appelée
à faire
Alliance avec Dieu à travers la descendance de Noé. L’arche qui sert de
refuge
aux survivants, peut alors être vue comme l’image de l’Église, et le
personnage
de Noé comme une figure du Christ.
Le
déluge est ainsi à
la fois une source de mort et de
vie, de destruction et de purification, comparée dans les Écritures à la
purification de l’âme par les eaux du baptême, grâce auquel le Chrétien
meurt dans
la chair pour renaître dans l’esprit.
« Jésus
venait d’être
baptisé. Aussitôt l’Esprit le pousse au désert et, dans le désert, il
resta
quarante jours, tenté par Satan. » avons-nous entendu dans
l’Evangile.
St Marc ne perd pas de temps dans les détails des tentations. Et tout de
suite « Jésus
partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu ; il disait : «
Les temps
sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche.
Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. »
Baptême,
désert, Evangélisation.
Alors
pour nous Baptisés, nous qui
suivons le Christ sur le chemin qu’il a tracé. Voilà le temps du désert,
temps
de libération et de tentation (car le disciple ne s’en sortira pas mieux
que le
maître !) pour renaitre à Pâques et fortifiés, nous pourrons
évangéliser
par notre vie.
C’est
notre Baptême qui nous fait
vivre. N’attendons pas un nouveau déluge pour le purifier : le
chemin du
désert nous est offert. Suivons Jésus.
Philippe
ARRIVÉ,
diacre permanent
Vertou
, le 18
février 2024