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Frères et Sœurs, les textes d’aujourd’hui nous parlent de peuple, de pasteur et d’enseignement. Regardons comment Jésus se positionne et ce que sa posture suscite pour nous maintenant.
Un bilan lucide
A un moment crucial de l'existence d'Israël (le peuple a été dispersé, une bonne partie des Juifs est déportée à Babylone), le prophète Jérémie fait un bilan lucide de la situation. Les rois, les notables, les chefs religieux, tous ceux qui avaient mission de guider le peuple ont failli à leur tâche. Ils se sont conduits comme de mauvais bergers. Et le prophète annonce, de la part de Dieu, qu'un jour viendra où le troupeau sera de nouveau rassemblé et, sous la conduite d'un vrai berger, il reviendra habiter la terre d'Israël.
A la suite de Jérémie, tout Israël, pendant des siècles, a attendu l'arrivée de l'envoyé de Dieu, le «pasteur d'Israël», le Messie qui serait un guide, c'est-à-dire un chef, celui qui prendrait en mains le destin de son peuple et qui le conduirait fermement vers une ère de prospérité et de paix.
Au temps de Jésus, c'est ainsi qu'on s'imaginait le Messie attendu. C'est ainsi que même les Apôtres ont envisagé la mission du Christ. Or, contrairement à la promesse de Jérémie, contrairement à l'attente de tout Israël, Jésus va donner un autre sens à la réalité du «pasteur d'Israël» qu'il vient incarner.
Une situation lamentable
En effet, en passant toute sa vie en proximité des pauvres, Jésus a eu pitié de ce peuple :
•    qui vivait dans une situation économique précaire, pressuré d'impôts et de taxes, dominé par les grands propriétaires ;
•    qui était soumis à une situation politique lamentable, divisée entre le joug du pouvoir romain et les chefs religieux qui collaboraient avec l'occupant, et tout geste de révolte était écrasé dans le sang !
•    qui était dans une situation religieuse si triste, écrasé par les obligations mesquines d'une Loi qui, à l'origine, devait en faire des hommes libres...!
Et pourtant, en voyant ce petit peuple qui courait après lui «comme des brebis sans berger», n’aurions-nous pas été tentés, à sa place, de nous mettre à leur tête, de devenir leur guide, de faire pour eux les choix essentiels ?
C'est le troupeau qui commande
Et bien, Jésus n'a pas cédé à cette tentation du pouvoir, bien au contraire ! Notre évangile d'aujourd'hui nous dit deux choses importantes sur la figure de notre Messie :
1.    D'abord, on remarque que c'est le troupeau qui commande, et que ce sont les besoins urgents des hommes qui obligent Jésus à changer d'avis, à modifier ses projets, son programme.
Voilà les Douze qui rentrent de mission : ils ont tellement de choses à raconter à Jésus. Pas le temps ! Ils ont besoin de repos ? La foule les empêche de se reposer ; pas même le temps de manger ! Jésus commande une manœuvre de repli : on va se sauver en barque et prendre un peu de repos dans un endroit plus calme… Eh bien, la foule a vite compris. Alors, plus question pour Jésus de renvoyer les gens et de passer une soirée tranquille avec ses amis.
Voilà donc un Messie qui nous apparaît totalement livré aux gens. Rien d'un chef autoritaire, au contraire, un Christ bien charitable !
2.    La seconde chose, importante pour notre image du Messie, figure dans le dernier membre de phrase de l’évangile que nous venons d'entendre : «Alors, il se met à les enseigner longuement».
Primordiale instruction
Jésus se trouve face à une foule désemparée, qui tourne en rond, qui a perdu le sens ! Mais pour autant, Il ne prend pas la tête de cette foule ; il ne sera ni «guide suprême» ni «chef génial». Il se contente de «les instruire longuement».
Rendons-nous compte de ce qu'il fait ? Jésus ne veut pas des moutons, mais des hommes qui tiennent debout, qui pensent par eux-mêmes, qui décident par eux-mêmes. Donner à quelqu'un savoir et connaissance, c'est lui donner le pouvoir, c'est le faire grandir. Celui qui apprend peut devenir l'égal de celui qui délivre le savoir ; il se libère de son ignorance et de son infériorité. Jésus ne veut pas des disciples qui le suivent comme les moutons suivent leur berger. Il veut opérer une véritable «promotion» de la foule qui court après lui, afin que tous puissent connaître la vérité par eux-mêmes et décider en connaissance de cause. «La vérité vous rendra libres».
Une Parole qui construit
Ce que Jésus a fait un soir pour la foule de Galilée est hautement significatif de ce qu'il fait pour nous, si nous le désirons. Car la situation du monde d’aujourd’hui ressemble à celle de l'Israël du temps de Jésus. Des «bergers» contestables, notre civilisation en a connu, et beaucoup d'hommes les ont suivis aveuglément… Même le christianisme, à certaines époques de son histoire, quand il s'est comporté comme une idéologie, a engendré guerres, division, oppression de l'homme… Bref, beaucoup de bergers pour une humanité de plus en plus dispersée, divisée, malheureuse.
Mais c'est aux hommes et aux femmes d'aujourd'hui, à vous, à moi, que le Christ s'adresse. Aujourd'hui encore, il est «saisi de pitié» pour notre monde. Et qu'est-ce qu'il fait ? Rien de plus qu'au temps de sa vie terrestre, il ne va pas prendre la tête de la société pour une remise en ordre. Et il ne demande pas cela non plus à son Eglise.
Il se contente de nous « instruire longuement ». Qu'est-ce que cela veut dire ? Que sa Parole est là, à notre disposition, comme une critique radicale et constante de toutes les idéologies qui menacent l’humanité. Par sa Parole, il remet en question tout ce qui dresse l'homme contre l'homme. Il nous permet de prendre du recul, de tenir debout, de dire non à tous les abus, de dire oui à toutes les solidarités, de croire que l'homme est premier et que là est la seule chance de salut de notre monde.
L'écouterons-nous ?
Frères et Sœurs, puisse notre été nous permettre de « nous poser à l’écart…, de nous reposer un peu et de nous laisser instruire » par notre Bon Pasteur !
Amen

Patrick JAVANAUD
Paroisse St Matthieu sur Loire
18 juillet 2021



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