Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ
« Celui qui mange ma chair et boit
mon sang a la vie éternelle... Celui qui mange ma chair et boit
mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. » Telles
sont les paroles qui ont choqué les contemporains de Jésus et qui ont
provoqué la première séparation entre ceux qui refusaient de le suivre,
et ses disciples. « Et vous, ne voulez vous pas partir aussi ? » demande Jésus en se tournant vers les douze. Et Pierre de répondre: « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as des paroles de vie éternelle. »
Ce qui scandalisait les uns devenait vital pour les autres. Mais
comment rendre compte par des mots de cette expérience intime, de ce
mystère de l'Eucharistie qui nous fait vivre ?
« L'Eucharistie est le sacrement du
Christ qui se donne en nourriture aux hommes pour les transformer en
Lui-même et ainsi constituer son Corps mystique qui est l'Eglise.
» Habituellement, lorsque j'absorbe de la nourriture, mon métabolisme
transforme cette nourriture en mon propre corps; j'ai incorporé mon
repas. Dans le repas Eucharistique, c'est l'inverse qui se produit: le
pain, devenu Corps du Christ, me transforme en Christ, me fait devenir
membre du Corps du Christ, sans supprimer ma personnalité humaine. Le
Christ demeure en moi, et moi je demeure en lui... comme l'océan est
dans l'éponge, et l'éponge dans l'océan. L'éponge est bien distincte de
l'océan, mais l'océan est toute sa vie.
En nous donnant sa chair à manger, Jésus ne nous invite pas au
cannibalisme. Si pour nous la chair, c'est la viande, en Hébreux les
significations du mot « chair » sont multiples. Dans l'expression que
St Jean utilise au début de son évangile: « Le Verbe s'est fait chair »
on entend bien que la chair est toute la personne du Christ,
toute son humanité et sa divinité. Le mystère de l'Eucharistie ne peut
pas se séparer du mystère de l'Incarnation. « L'Incarnation de Dieu ne se termine pas au Christ, mais à l'humanité tout entière. » nous dit le Père Varillon. Et il ajoute: « Tant
que nous imaginerons que l'Incarnation, c'est Dieu qui s'unit à un
homme appelé Jésus, nous ne comprendrons rien. Le fond des choses,
c'est que Dieu s'unit ou épouse l'humanité tout entière par le Christ.
Dieu s'est fait homme pour que tous les hommes soient divinisés.
L'Eucharistie est l'universalisation de l'oeuvre du Christ. »
Si vous voulez un signe de cette volonté de Dieu de diviniser toute
l'humanité, prêtez l'oreille à la prière de présentation des offrandes
à chaque messe: « Nous te présentons
ce pain, fruit de la terre et du travail des hommes: il deviendra le
pain de la vie. Nous te présentons ce vin, fruit de la vigne et du
travail des hommes: il deviendra le vin du Royaume éternel. »
Dans les offrandes qui sont présentées à l'autel, c'est l'histoire du
pain et du vin, c'est à dire l'histoire du travail..., finalement
l'histoire de l'homme, de tous les hommes qui ont contribué de près ou
de loin à leur fabrication : le cultivateur, le vigneron, le meunier,
le boulanger, l'artisan ou l'industriel qui a fabriqué la charrue, le
pressoir, la moissonneuse ou le pétrin, le routier qui a transporté ces
outils ou la farine. C'est toute la vie et l'histoire des hommes qui
est apportée à l'autel par le diacre. Le pain, c'est la vie: ne dit-on
pas indifféremment gagner sa vie ou gagner son pain? Et c'est de cette
vie, de cette nature transformée, humanisée par le travail de l'homme
que le Christ, par les paroles du prêtre, va faire son propre Corps. « Ce
que l'homme a humanisé, le Christ va le diviniser. C'est toute
l'histoire de l'homme qui devient corps du Christ. Elle ne cesse pas
pour autant d'être une histoire humaine, mais elle débouche sur un
au-delà de l'homme qui est sa véritable vocation. Et c'est quand
l'homme devient véritablement Corps du Christ qu'il devient pleinement
homme. » nous dit F. Varillon.
Le Christ se donne en nourriture pour nous unir à lui, et ainsi nous
unir les uns aux autres d'une manière telle que, par nous-mêmes nous ne
saurions y parvenir. « La multitude que nous sommes est un seul corps car nous avons tous part à un seul pain. »
affirme Paul. Ce que notre communion au Corps du Christ réalise en nous
et entre nous est bien plus fort que le simple fait d'être
ensemble, entre bons amis, autour d'une même table. Cette énergie
unissante implique sa présence réelle. Nous devenons,
personnellement et communautairement le Christ, et pas seulement dans
l'enceinte de notre communauté, mais dans le monde entier, partout où
l'Eucharistie est célébrée. Ce qui veut dire que nous avons à suivre
son chemin, en nous ouvrant à tous nos frères dans le besoin, en nous
mettant à leur service comme lui-même l'a fait, en nous faisant
nous-mêmes pain partagé pour tous les hommes qui ont faim. Pour St Jean
Chrysostome, le sacrement du Christ et le sacrement du frère sont
indissociables. Et cela, c'est le travail de la grâce de Dieu qui
l'opère en nous à chaque communion.
Vous avez remarqué que ce discours sur le pain de Vie, Jésus le
prononce juste après avoir nourri la foule avec cinq pains d'orge et
deux petits poissons. J'y vois une invitation à nous engager de toutes
nos forces dans la solidarité internationale pour faire reculer la faim
qui tue encore tant de nos contemporains. La course au profit,
les structures de péché sont telles que nous sommes tentés de
baisser les bras. Et pourtant, Dieu ne nous demande pas autrechose que
de travailler pour le vrai bonheur de nos frères humains. Et il nous
donnera la force d'accomplir sa volonté. A la communion, le Christ se
donne en nourriture pour que nous ayons non seulement une énergie
humaine, mais une énergie véritablement divine pour travailler à
construire la communauté humaine fraternelle. En communiant au Corps et
au Sang du Christ, nous devenons des Christs ! Des hommes et des femmes
capables d'aimer comme Dieu. En cette fête du St Sacrement,
prenons quelques minutes après la communion pour nous arrêter à cette
présence, à ce travail de grâce que Dieu opère en nous. Et que toute
notre action de grâce de cette semaine nous conduise aux journées
eucharistiques missionnaires que nous vivrons dimanche prochain avec
notre Evêque pour que nous soyons en mesure d’inviter tous ceux que
nous aimons à venir partager ce pain qui descend du ciel, ce pain qui
nous fait vivre éternellement.
Jean-Jacques BOURGOIS, diacre permanent
18 juin 2017