2° dimanche de l'Avent.
Is 11, 1-10
Ps 71
Rm 15, 4-9
Mt 3, 1-12
Les
poils de chameau, ça vous parle, vous ? Parce que les habitants de la
Judée à l’époque de Jean-Baptiste, eux, ça leur parle ! c’est même ça
qui les pousse à sortir jusqu’au désert, pour aller voir et écouter ce
drôle de personnage, parce qu’il porte un vêtement de poils de chameau
et une ceinture de cuir ! C’est bien ainsi que cet épisode nous est
présenté : « Jean portait un vêtement de poils de chameau et une
ceinture de cuir autour des reins […]. Alors Jérusalem, toute la Judée
et toute la région du Jourdain se rendaient auprès de lui… » C’est
bizarre, non ? Et d’ailleurs, pourquoi Matthieu se donne-t-il la peine
de préciser ces détails vestimentaires concernant Jean le Baptiste ? et
de sous-entendre même que ces détails sont la cause du succès de sa
prédication ?
Pour nous aujourd’hui, c’est en effet étonnant que des foules
nombreuses se déplacent pour voir cet homme dans le désert. Et en plus,
c’est pour se faire traiter d’« engeance de vipère ! » comme on
l’apprend par la suite.
Pour nous, oui, c’est incompréhensible. Mais pour les habitants de la
Palestine à cette époque, tout cela a du sens ! parce que ces gens
connaissent parfaitement les Écritures. Il est écrit, dans le livre du
prophète Malachie, au chapitre 3, verset 23 : « Voici que je vais vous
envoyer Élie le prophète, avant que vienne le jour du Seigneur, jour
grand et redoutable. » Et alors ? Eh bien, quand on leur apprend qu’il
y a dans le désert un homme vêtu de poils de chameau avec une ceinture
de cuir autour des reins, ils se disent immédiatement : « ça y est,
c’est Elie qui est revenu ! » Pourquoi ? Parce que dans le premier
chapitre du deuxième livre des rois, c’est ainsi qu’Elie se fait
reconnaître. Au tout début de ce chapitre, le Seigneur envoie le
prophète Elie auprès de messagers du roi, qui lui font ensuite leur
rapport. Le roi leur demande (v. 7 et 8) : « Comment était habillé
l’homme qui est venu à votre rencontre et qui vous a dit ces paroles ?
» Ils répondirent : « C’était un homme portant un vêtement de poils de
chameau et une ceinture de cuir autour des reins. » Le roi déclara : «
C’est Élie […]. »
Donc, pour nous aujourd’hui, le vêtement de poils de chameau, c’est de
l’anecdote, du détail ; mais pour ces habitants de Jérusalem, les poils
de chameau, c’est Elie ! le plus grand des prophètes qui revient
préparer le jour du Seigneur, « jour grand et redoutable » ainsi que
l’Écriture l’avais annoncé.
Ces gens savaient lire les signes. Ils avaient le sens du symbole. Pour
nous, reconnaissons-le, c’est souvent beaucoup plus difficile ; nous
n’avons pas toujours la clé, le décodeur qui nous permettrait de
reconnaître instantanément les signes que Dieu nous envoie.
Et du coup, on lit les évangiles en nous focalisant sur le message de
cet homme, Jean le Baptiste, et on passe très vite sur les détails
vestimentaires qui nous paraissent futiles, anodins. Mais du coup, on
passe aussi à côté d’une partie du sens du message. Le vêtement de
poils de chameau nous dit en réalité que nous sommes en présence d’un
nouvel Elie, et donc du plus grand des prophètes, dont les paroles
étaient celles de l’Esprit Saint. Ce n’est donc pas simplement Jean le
Baptiste, ce drôle de personnage un peu exalté qui annonce la venue du
Christ ; c’est l’Esprit Saint lui-même !
Oui, nous avons sans doute à questionner nos manières de lire les
évangiles, et la Parole de Dieu en général. Nous manquons souvent de
connaissance pour bien comprendre le sens des Écritures. Et nous
courrons alors le risque de faire des contresens. Parce que la Bible a
été écrite dans des contextes complètement différents du nôtre, et nous
avons du mal à entrer dans ces contextes. C’est pourquoi nous avons
sans doute grand besoin de formation.
Pour autant, il ne faudrait pas se décourager et se dire : « puisque
c’est comme ça, pas la peine que je m’efforce de lire la Bible, si je
n’ai pas les clés pour la comprendre ! » N’oublions pas que la Bible
est une œuvre universelle, qu’elle s’adresse à nous aujourd’hui tout
autant qu’à nos ancêtres des premiers siècles. Malgré nos difficultés,
malgré le décalage culturel important, elle a toujours quelque chose à
nous dire, aujourd’hui.
Et justement, aujourd’hui, que nous dit-elle ?
« Convertissez-vous, car le Royaume des Cieux est tout proche ». Il
s’agit donc de se convertir, littéralement : changer de direction.
Changer de regard, en se laissant guider par la Parole. En faisant
confiance à cette parole de Dieu, même si elle est difficile à
comprendre, pour les raisons que j’évoquais. Encore faut-il la lire,
pour pouvoir la connaître, pour pouvoir lui faire confiance !
Se convertir, aujourd’hui, pour chacun d’entre nous, ça peut déjà
commencer par ça : nous tourner vers la Parole de Dieu, revenir aux
fondamentaux, à la lecture de la Bible ; reprendre le chemin de l’école
de Jésus. Depuis combien de temps n’ai-je pas ouvert la Bible ou un
évangile, pour m’y plonger vraiment ? Pour y découvrir, au détour d’un
verset, d’une parole, d’un récit, combien cette parole peut être
vivante et peut m’aider à vivre, à trouver un sens à ma vie.
L’importance de s’attacher à bien connaître les fondements de notre
foi, c’est ce à quoi St Paul nous invite justement aujourd’hui, dans le
passage de sa lettre aux Romains que nous avons entendu dans la
deuxième lecture :
« Tout ce qui a été écrit à l'avance dans les livres saints l’a été
pour nous instruire, afin que, grâce à la persévérance et au réconfort
des Écritures, nous ayons l’espérance. »
Le fruit de ce petit travail, c’est l’espérance ! Alors, même si c’est
difficile, même si nous sommes parfois décontenancés devant tel ou tel
passage, parce que nous n’avons pas toujours les bonnes clés de
lecture, prenons en ce début d’année liturgique la résolution de nous
efforcer de lire ou relire ces écrits qui fondent notre foi.
Dans quel but ? Pas pour être plus savant. Mais pour comprendre comment
notre vie peut être transformée si nous suivons le chemin que Dieu nous
propose, en cherchant à imiter le Christ : « Il ne jugera pas sur
l’apparence ; il ne se prononcera pas sur des rumeurs. Il jugera les
petits avec justice ; avec droiture, il se prononcera en faveur des
humbles du pays. » C’est ainsi que le prophète Isaïe nous a rappelé la
bienveillance de Dieu, qu’il ne tient qu’à nous d’imiter. Et le
psalmiste nous dit la même chose : « Il délivrera le pauvre qui appelle
et le malheureux sans recours. Il aura souci du faible et du pauvre, du
pauvre dont il sauve la vie. »
Alors, même si les poils de chameau, ça ne me parle pas, je peux tout
de même comprendre que Dieu me parle à travers la Bible, qu’il me dit
qu’il m’aime, qu’il veut mon bien. Je peux alors, suivant les conseils
de St Paul, essayer de l’écouter plus souvent, seul ou avec d’autres, «
afin que, grâce à la persévérance et au réconfort des Écritures, nous
ayons l’espérance. »
Amen !
Daniel BICHET, diacre permanent
Monnières, Gétigné, Clisson
7 et 8 décembre 2019