5° dimanche ordinaire.
Le Sel et la Lumière
Le
sel, nous le connaissons bien dans notre région, ce cadeau inestimable
de la nature : effort conjugué de la mer, du vent et du soleil. Ce sel
n'en reste pas moins un élément indispensable à la vie avec bien des
propriétés. Il va, entre autres, permettre de conserver les aliments,
viande ou poisson, en évitant la pourriture. Mais c'est aussi, et
surtout, l'élément qui va donner du goût à la nourriture, qui va nous
permettre de l'apprécier, de la déguster. Qui d'entre-nous n'a pas
goûté un pain ou des légumes cuits sans sel. Insipides ! Les personnes
au régime le déplorent et savent bien nous le faire savoir. Et Jésus
dans l'évangile compare ses disciples à ce sel :"Vous êtes le sel de la
terre". Du sel, du sel pour donner du goût à sa Bonne Nouvelle, donner
du goût à son Évangile pour les hommes vers qui il les envoie, pour les
hommes vers qui nous sommes envoyés, donner du goût par la manière dont
nous vivons la fraternité qui nous unit, dont nous faisons nôtre la
charité, donner du goût à notre vie d'enfant de Dieu pour que d'autres
aient envie de la vivre. Quelle responsabilité mais aussi quelle
confiance de la part de Jésus !
Donner du goût en effet, mais comme
le sel, en se fondant au milieu des hommes, invisible parce qu'en
cohérence avec la vie actuelle et pourtant donner à ces hommes le goût
de Dieu par nos actions, nos vies, humblement, discrètement, comme le
sel au milieu du plat, comme Jésus qui s'est incarné et a vécu
simplement au milieu des hommes de son temps, donnant le goût du
Royaume de Dieu par l'amour qu'il prodiguait, par l'enseignement qu'il
dispense, par sa Parole.
Et puis, Jésus complète son propos en leur
disant : "vous êtes la lumière du monde"…Autant le sel est un signe
humble car il en faut peu pour l'apprécier fondu au milieu d'un plat,
autant la lumière est un signe fort de reconnaissance, fait pour
guider, éclairer, être vu et visible de loin. Il ne suffit pas de
donner du goût de vivre en frère du Christ, il faut aussi être
éclairant pour les autres, que notre vie d'enfant puisse faire
connaître la lumière de l'amour d'un Père qui transforme et transcende
de simples vies en guide lumineux. Là aussi, quelle responsabilité mais
aussi quelle confiance!
Oui, c'est à chacun de nous que Jésus
s'adresse, c'est à l'Église du Christ qu'il dit vous êtes le sel de la
terre, la lumière du monde. Si nos vies, nos actes tracent l'ébauche du
Royaume, c'est notre union fraternelle, notre communion, note accueil
qui feront le sel de nos sociétés fades, édulcorées ou au contraire
violentes et injustes, qui seront la lumière de nos communautés, de nos
villes, nos quartiers où les solitaires, les pessimistes, les désabusés
attendent une lumière dans la nuit de leur vie. Mais les paroles ne
suffisent pas, Isaïe le dit, c'est dans nos actes d'amour, posés pour
les autres, "partage ton pain, recueille le malheureux, couvre l'homme
dévêtu…", c'est dans la pratique de la charité, dans le regard d'amitié
porté sur celui qui est différent, le sourire donné à la personne
croisée, la compassion portée aux malades visités, le temps passé au
près d'une personne seule, celui donné à une association d'insertion,
aux visites du dimanche à la prison… que se révèle notre humanité et,
pour le croyant en un Dieu de miséricorde, que prend chair notre vie
d'enfant de ce Père aimant. C'est dans l'humilité, la discrétion, la
justesse et la vérité en cohérence avec la Parole vivante que nous
donnerons du goût à cette vie éclairée par la Parole du Christ. "Alors,
c'est en voyant ce que vous faites de bien qu'ils rendront gloire à
votre Père qui est aux cieux" conclut Jésus.
Que ce soit le sel ou
la lumière, l'un comme l'autre n'existe pas pour lui-même. Le sel n'est
pas là pour saler du sel et la lumière n'a pas pour but d'éclairer le
jour! Dans ces responsabilités qui sont données, c'est la mission de
chaque baptisée qui est dite, c'est toute l'Église qui se voit
missionnaire, signe au milieu du monde, pas pour Elle-même, mais pour
le monde. Si dans l'évangile, Jésus s'adresse aux apôtres, c'est à nous
aujourd'hui que la Parole est transmise et c'est à nous de donner le
goût et d'éclairer. Enfouis au milieu des hommes, dans nos familles,
dans nos milieux professionnels, associatifs, paroissiaux, de
voisinage… à chacun de redonner du goût, de la saveur à ce monde
parfois triste et plat, de mettre en lumière la richesse de chacun, de
révéler la valeur de chaque personne.
On sait bien que top de sel
gâche un plat, que trop de lumière aveugle, alors sans s'imposer
arbitrairement, sans zèle excessif, hors de tout fanatisme, le chrétien
doit pouvoir allier ces deux extrêmes : enfouissement et rayonnement,
avec humilité et conviction. Ça peut paraître compliqué ou difficile
mais Jésus ne nous demande pas d'être sel et lumière tout seul dans son
coin et puis n'a-t-il pas dit qu'il serait avec nous jusqu'à fin des
temps alors n'hésitons pas à faire appel à lui dans la prière, à lui
demander d'envoyer son Esprit nous aider, de fouiller sa Parole pour
nous guider par sa justesse et sa vérité, de nous unir et de nous
réunir pour partager son corps et sa Parole qui viendront nous nourrir
et nous rendre les forces pour vivre notre mission.
Si parfois,
notre sel, sans disparaître, perd de sa saveur, si parfois notre
lumière, sans s'éteindre, s'atténue, retournons, confiants, à la source
du sel et de la lumière. Comme le sel est fruit de l'union de la mer,
du vent et du soleil, notre vie de chrétien est fruit de la foi, de la
Parole et de l'Eucharistie. Dans la confiance en la sagesse de Dieu, en
acceptant que ce ne sont seulement nos paroles ou nos gestes qui
agissent mais que c'est l'Esprit présent au monde et la puissance de
son amour qui convertissent ces actions en trace de sa Gloire, en
preuves d'un amour fraternel, paternel et filial, prions le Christ de
venir nous revivifier et raviver en nous la lumière de l'Espérance.
Patrick DOUEZ, diacre permanent.
5 et 6 février 2011
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