29° dimanche ordinaire.
Rendez à Dieu…
« Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.
»… Il y a comme ça dans la bible des phrases que bien des gens
utilisent sans même savoir qu'elles sont Parole de Dieu. Cette maxime,
souvent utilisée, a été parfois détournée de son objectif, comme par
exemple, pour lui faire dire que l'argent est le mal personnifié, qu'il
serait préférable d'être pauvres. Mais nous le savons bien, la pauvreté
matérielle, le manque d'argent, la misère ne sont, par eux seuls, ni un
bien, ni un chemin de salut ! C'est trop souvent une souffrance, une
injustice révoltante, un état qui crée des inégalités, des rejets, des
refus et ce n'est pas juste. L'argent n'est pas un mal en soi, c'est sa
mauvaise utilisation, son besoin exagéré, son idolâtrie qui détournent
de Dieu et de son dessein en révélant l'orgueil et l'envie, instaurant
des différences sociales inacceptables, générant des violences écartant
de ce Dieu qui veut nous voir en paix, heureux de vivre en frères, dans
la joie du partage et de l'amour fraternel. Un Dieu fidèle disant à
chacun sa valeur et sa dignité. Le père Joseph Wresinski et ATD Quart
Monde l'avaient bien compris et le 17 octobre 1987, ils ont inauguré,
sur la parvis du Trocadéro à Paris, la dalle signant le devoir sacré du
respect des droits de chaque homme et ils ont institué cette journée :
"La journée mondiale du refus de la misère". Et le 17 octobre, c'est
Lundi ! N'est-ce pas la vocation de l'Église et de chaque frère en
Christ que de vivre la compassion de Jésus pour ceux qu'il croise?
Pourtant, comme dans les béatitudes, par exemple, Jésus nous invite
souvent à la pauvreté. Certes, mais c'est d'abord celle du cœur, celle
de ceux qui se reconnaissent petits devant Dieu, petits, humbles et
simples, de ceux qui ne se voient pas intouchables, tout puissants ou
supérieurs, et vous en conviendrez, il ne s'agit pas là de la même
pauvreté.
« Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.
»…Ce que nous dit Jésus dans cette réplique aux pharisiens, c'est qu'il
ne faut pas tout mélanger, tout mettre au même niveau, ne pas tomber
dans un relativisme fade et mou dans notre vie de tous les jours. Nous
avons à vivre comme chrétien, comme croyant, sans nous cacher, à être
animé au travail, à la maison, au volant ou à l'école de cette foi en
Christ ressuscité sans y mêler, sans y faire dépendre nos tracasseries
administratives, financières ou scolaires. Vivre dans la société
actuelle crée des obligations et des contraintes mais ne succombons pas
aux sirènes et aux penchants actuels d'un individualisme forcené, du
toujours gagner un plus en oubliant que derrière chaque service, chaque
commerce, chaque produit vit un homme, une femme, un frère en humanité,
en Christ.
"Rendre à César", on pourrait dire : rendre à l'état, à la société
civile, à la nation ce qui lui revient, rendre ce qui est du niveau
sociétal, social, administratif, financier ou politique mais en se
battant évidemment pour que le message de l'évangile soit écouté,
entendu et respecté par eux. Mais alors : qu'avons-nous à rendre à Dieu
?
Ce que nous avons à rendre à Dieu, c'est ce que nous sommes, l'être que
nous incarnons. Si je rends à César ce qui est à son image, comme cette
pièce d'argent dans l'évangile, je rendrai à Dieu ce qui est aussi à
son image: l'homme. Dans le livre de la Genèse Dieu n'a-t-il pas dit:
"Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance" (Ge 1,26).
Alors rendons-lui ce qui lui revient : notre être, notre vie d'homme,
la dignité humaine, la fraternité et surtout, tout l'amour qu'il nous
donne sans cesse.
C'est en honorant l'homme, frère en humanité, frère dans la paternité
que nous proclamons dans la prière de Jésus, que nous rendrons à Dieu
ce qui est à son image. Honorer, magnifier, glorifier Dieu par et avec
la personne qui est à mes côtés, celle que j'apprécie n'est déjà pas
toujours facile. Qu'en est-il de mon regard, de mon attention face à
celui que je ne connais pas, celui qui n'est pas comme moi, ce jeune
avec ses piercings ou ses écouteurs, cet ancien qui se plaint du bruit,
cet étranger qui ne vit pas comme moi, ce handicapé qui m'interpelle
chaque matin pour me donner le bonjour, cette personne porteuse de
handicaps qui révèle mes limites et réveille mes angoisses ?
Nous l'acceptons volontiers et nous en sommes pour beaucoup convaincus,
la paternité de notre Dieu nous fait tous frères, enfants d'un même
père dont nous avons reçu son Esprit. Cet Esprit Saint qui nous anime
quand nous sommes en vérité. Comme Adam dans la livre de la Genèse
reçoit de Dieu le souffle de Vie, nous sommes ses enfants vivants de
son souffle divin, nous lui appartenons. Pour répondre à la demande de
Jésus "rendre à Dieu ce qui lui revient", Il faut rendre à chacun de
ses enfants ce qui lui est propre, ce qui le compose : sa personnalité,
sa dignité, sa spiritualité, son unicité, son héritage divin et l'amour
qu'il est en droit d'attendre de moi.
Il ne s'agit pas d'assistanat, de condescendance, de charité déplacée
encore moins de pitié. Non ! Il s'agit seulement et uniquement d'amour,
d'amour partagé dans une foi active. Après les prophètes de l'ancien
testament, après Jésus dans son évangile, St Jean nous le rappelle :
"Dieu est amour". C'est dans cette dynamique, avec cette certitude
accrochée au cœur que nous avons à nous engager comme chrétien. Que je
sois face à une personne avec handicap, ou que je vive moi-même le
handicap : regarder et voir l'autre, lui faire confiance, me mettre à
son écoute, l'accueillir tel qu'il est, ouvrir mon cœur et mon esprit
pour vivre la rencontre et l'accompagner si c'est sa volonté, c'est ma
mission de baptisé.
En vivant le service du frère dans la paix et l'amour fraternel, aidé
par la prière, nourri par la Parole, confiant en l'Esprit qui habite
chaque homme, je pourrai rendre à Dieu tout ce qu'il me donne et qui
lui appartient : son amour présent au cœur du monde qui fait notre
unité.
"Tout homme est une histoire sacrée, l'homme est à l'image de Dieu"
Patrick DOUEZ, pour le 16 octobre 2011
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